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cet égard les notions nécessaires. Rien de plus naturel au surplus que cette rareté extrême des ouvrages de Cellini. La valeur intrinsèque ou la fragilité des matières, les variations du goût, tout concourait ici à multiplier les chances de destruction. On n’a guère tenu compte pourtant d’un fait qui commandait au moins quelque scrupule dans le classement des morceaux conservés. Toutes les pièces d’orfèvrerie, tous les bijoux appartenant à l’école italienne et au XVIe siècle, quel qu’en soit d’ailleurs le caractère ou le mérite, ont été sans hésitation attribués à un seul homme. Quiconque a visité l’Italie sait par expérience à quoi s’en tenir sur ce point et quel large impôt la prétendue fécondité de Cellini prélève sur l’attention des voyageurs. Le nom de Cellini est devenu une sorte d’étiquette banale sous laquelle on range pêle-mêle les produits qui ont survécu, à peu près comme on a voulu rendre Jules Romain responsable de toutes les copies, bonnes ou mauvaises, exécutées d’après Raphaël. L’art de l’orfèvrerie est aujourd’hui si complètement identifié avec ce nom, qu’il semble même que rien de sérieux n’avait été fait en Italie avant la venue du maître : erreur formelle qu’il convient d’abord de relever.

L’exemple donné par les orfèvres fut le premier terme des progrès qui s’accomplirent en Italie depuis le moyen âge jusqu’à la fin du XVe siècle. Les sculpteurs, les peintres, les architectes éminens de cette époque ont tous, ou presque tous, fait leur apprentissage dans une boutique d’orfèvrerie, et, pour n’en citer que quelques-uns entre les plus illustres, Jean de Pise, Orgagna, Filippo Brunelleschi, se sont instruits d’abord à cette modeste école. Un peu plus tard, Donatello, Verocchio, vingt autres maîtres diversement célèbres se signalèrent au début par leur habileté à ciseler des vases ou des statuettes, à sertir des pierres précieuses, à nieller des patènes ou des coupes. Lorsque ensuite ils eurent fait leurs preuves dans un ordre d’art plus élevé, il leur arriva souvent de revenir à ces travaux humbles en apparence, mais dignes d’eux encore par le caractère de grandeur qu’ils savaient leur imprimer. Ainsi au moment de terminer les portes du baptistère de Florence, — œuvre fameuse dès le principe et déjà qualifiée par tous d’incomparable, — Ghiberti enchâssait des diamans dans une tiare d’or décorée de figurines que lui avait commandée le pape Eugène IV. Quelques années auparavant, nous le voyons occupé d’un travail semblable pour le pape Martin V et de la monture d’un cachet pour Jean de Médicis, fils de Côme. Enfin depuis le paliotto d’or du Xe siècle qu’on admire dans l’église Saint-Ambroise, à Milan, jusqu’au beau devant d’autel en argent qui orne la cathédrale de Pistoie, et dont l’exécution presque tout entière appartient au XIVe siècle, depuis les médailles jusqu’aux