Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/741

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
BENVENUTO CELLINI

I Trattati dell’ Oreficeria e della Scultura di Benvenuto Cellini, publiés par M. Carlo Milanesi. Florence 1857.



S’il convenait de juger du goût public d’après certaines opinions et certains écrits, on serait tenté de prendre pour un penchant de notre époque l’esprit d’agression contre les gloires consacrées, de téméraire indulgence pour l’audace aventureuse érigée en génie. Ne s’est-il pas rencontré des historiens qui n’ont voulu voir dans Louis XIV qu’un sot fastueux, imposant seulement par la solennité de l’attitude, et dans Henri IV rien de plus qu’un espiègle politique ? Tout récemment, un grand poète, hélas ! bien mal inspiré ce jour-là, n’essayait-il pas de faucher sur la tombe de La Fontaine le vert laurier qu’avait chanté Alfred de Musset, victime, lui aussi, d’une injustice à peu près semblable ? De telles fantaisies, il est vrai, ne sauraient avoir des conséquences fort graves : chacun, en pareil cas, est plus ou moins en mesure de réviser les décisions de la critique ; mais dans le domaine des arts le contrôle est plus difficile, et l’opinion publique moins bien aguerrie contre les caprices de ceux qui prétendent la réformer. Il faut, pour avoir le droit de répudier sur ce point leur influence, posséder soi-même des connaissances toutes spéciales, une expérience que beaucoup d’entre nous n’ont pu acquérir. Plus le terrain est périlleux, plus il importe cependant que la critique y vienne marquer sa place, en recueillant sur des questions mal comprises, sur des hommes mal jugés, tous les faits propres à éclairer l’opinion. Les difficultés d’une pareille tâche n’ont rien qui doive l’effrayer. Pourvu qu’en protestant contre des renommées usurpées elle évite de compromettre la cause des maîtres véritables,