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repousser avec énergie certaine nature d’isolement. Depuis qu’il avait renoncé aux rayons charmans et meurtriers de ses premières passions, depuis qu’il avait dit pour toujours adieu aux jardins enchantés où il avait été le jouet des cruelles déesses, il vivait le plus paisiblement possible dans ce petit harem illégal que nous avons entendu souvent les chefs arabes nous reprocher au retour de leurs voyages en France. C’était, en un mot, le désir d’échapper aux tristesses de la solitude comme aux périls de la vie à deux qui avait uni Fleminges à Mme de Pornais.

Cette union, qui n’était donc pas précisément celle de Roméo et de Juliette, fut sur le point de se dissoudre un soir assez brusquement. Un jeudi, vers huit heures, Richard s’était rendu chez sa maîtresse, comptant passer quelques heures d’une manière plus ou moins galante. Le mari devait être absent pour une chasse de plusieurs jours, deux enfans devaient être couchés, les deux autres en partie chez une tante. Le hasard détruisit toutes ces combinaisons. Honorine était seule, il est vrai, dans son salon, quand Fleminges se présenta ; mais elle l’avertit que M. de Pornais ne s’était point soucié d’aller courre le cerf : il était en haut, dans sa chambre, occupé à ranger quelques médailles ; on entendait sur le plafond le bruit de sa pantoufle, il pouvait descendre d’un moment à l’autre ; les enfans aussi étaient restés au logis ; deux d’entre eux avaient une sorte de rhume mêlé de fièvre qui menaçait de tourner à la rougeole. Au moins aussi sage que tendre, Honorine réclamait pour les épanchemens de son amour le plus exact huis-clos. Aussitôt qu’une porte était entr’ouverte, la vertu entrait chez elle comme une bise refroidissante. Elle accueillit Fleminges de la manière qui affectait le plus désagréablement les nerfs de ce pauvre diable. À quelques privautés fort modestes, elle opposa des airs d’abbesse outragée ; à quelques menus propos de galanterie, elle riposta par des sermons sur les devoirs de la vie sociale. Son cœur, disait-elle, pouvait être coupable de quelque faiblesse ; mais, Dieu merci, aucun grand principe ne s’effacerait jamais de son esprit. Fleminges réprima l’ironie qui venait en dépit de lui sur ses lèvres. En homme de modération et d’expérience, il prit le parti de s’en aller. Il se trouva dehors par une nuit d’été toute remplie d’attrait et d’émotion. La plus molle des villes italiennes n’a jamais été couchée, sous le regard des étoiles, dans une pose plus languissante que ne l’était Herthal en cet instant-là. Des souffles charmans faisaient frissonner tous les marronniers qui entouraient la ville d’une ceinture verdoyante ; les grands arbres placés derrière les murailles des cours balançaient doucement leurs têtes comme des dilettantes aux passages exquis d’un opéra. Fleminges ne put s’empêcher de penser