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la musique fait partie de l’enseignement qu’on lui distribue gratuitement, il devient plus apte à en apprécier les véritables beautés.

Parmi les ouvrages élémentaires qui se publient en si grand nombre sur l’enseignement de la musique, nous avons remarqué l’Essai d’Instruction musicale de M. Mercadier. Ce petit livre, de cent cinquante-sept pages, fort bien imprimé, contient une explication claire, méthodique, et plus que suffisante, de tous les élémens de l’art musical, depuis le son isolé, résultat des ondulations de l’air, jusqu’à l’accord, qui est le principe de l’harmonie. Divisé en trente-six chapitrés suivis d’un appendice sur l’enchaînement des gammes, c’est-à-dire des tons, que l’auteur rend plus sensible au moyen d’un jeu d’enfant très ingénieux, le livre de M. Mercadier a été adopté pour les classes du Conservatoire, ce qui n’est pas toujours un titre de recommandation, car le Conservatoire est aussi prodigue que l’Académie des Beaux-Arts de pareils témoignages de satisfaction. Dans le cas particulier qui nous occupe, on ne peut que louer le Conservatoire d’avoir adopté l’Essai d’Instruction musicale de M. Mercadier, dont l’esprit méthodique a su renfermer en quelques pages lucides et accessibles à tous les notions d’un art très compliqué.

Un ouvrage plus important sur le même sujet est celui qu’a publié M. Halévy sous le titre de Leçons de Lecture musicale. Appelé par la nature de ses fonctions de secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts à émettre souvent ses idées sur les divers procédés de l’esprit, M. Halévy était plus apte qu’aucun autre compositeur éminent à parler avec mesure et clarté d’un art dont il connaît toutes les lois. Esprit diversement éclairé et rompu aux détails de l’enseignement supérieur de la composition, M. Halévy a été chargé par une commission du conseil municipal du département de la Seine de rédiger un traité de musique élémentaire’ à l’usage des écoles primaires de la ville de Paris et de l’Orphéon. Nous n’avons pas besoin d’ajouter que le traité de M. Halévy a été aussi adopté par le Conservatoire et approuvé par l’Institut. Il est divisé en quatre grandes parties. La première partie est consacrée à la connaissance des signes, la seconde à l’intonation ; la troisième traite de la mesure, et la quatrième, la plus importante, s’occupe de ce qu’on appelle la tonalité. Après avoir parcouru les différens chapitres qui subdivisent chacune des quatre grandes divisions, l’auteur en résume les idées dans un chapitre final, afin que l’élève puisse avoir une conscience nette de ce qu’on vient de lui apprendre. Nous ne pouvons aborder ici toutes les questions que soulève un ouvrage élémentaire sur l’enseignement de la musique ; il n’y a rien de nouveau sous le soleil, et M. Halévy est un esprit trop sage pour avoir voulu innover dans un art où les faiseurs de systèmes se donnent libre carrière depuis cinquante ans. Nous ferons cependant au travail de M. Halévy un reproche général : il nous semble que le savant compositeur a commis par excès de zèle une double erreur, — qu’il a d’abord trop présumé de l’intelligence de l’élève en lui parlant souvent une langue abstraite et synthétique, et qu’ensuite il a trop divisé sa matière pour ne pas produire quelquefois de la confusion dans de jeunes esprits. Il est si difficile de parler à la jeunesse, de lui dire ce qu’il faut pour éveiller son attention, en laissant au temps à faire le reste. Ce défaut se fait surtout remarquer dans