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perdu le pouvoir en ayant la majorité dans les chambres, et que le parti libéral désavoue hautement toute connivence, répudie toute solidarité avec les manifestations irrégulières qui ont joué un si grand rôle dans ces événemens. Écoutez les catholiques : ils vous diront que ce sont les libéraux qui ont suscité une émotion factice dans le pays en travestissant l’objet et le caractère d’une loi faite essentiellement pour les pauvres, en dehors de tout calcul politique. Écoutez les libéraux : ils vous diront que ce sont les catholiques qui, par l’excès de leurs prétentions, ont troublé le pays et provoqué des manifestations populaires déplorables dans la forme, quoique légitimes ou explicables dans, leur principe. Or il est évident pour tout observateur impartial que les uns et les autres ont contribué à créer une situation qui est l’œuvre de leurs passions, ou du moins de la partie exagérée des deux opinions. C’est là malheureusement ce qui caractérise l’état de la Belgique. À côté des antagonismes naturels, légitimes, nullement dangereux d’ailleurs, il y a les luttes factices, les violences, les récriminations, les représailles, en un mot toutes les exagérations à l’aide desquelles les partis se font une guerre qui dépasse le but.

Ainsi il semble bien clair que le parti catholique n’a nullement l’intention de porter atteinte aux institutions libérales de la Belgique. Cela n’est point douteux pour les principaux hommes d’état de cette opinion, qui déclaraient récemment encore dans leur manifeste qu’ils n’auraient jamais prêté leur appui à une loi dont le caractère eût été tel qu’on l’avait supposé, et qui exprimaient le regret que la dissolution du parlement leur eût enlevé le pouvoir et le mérite de proposer eux-mêmes l’abandon de la loi de la charité. Serait-ce l’église belge qui voudrait systématiquement détruire les institutions libres ? Elle ne le pourrait évidemment, par la raison bien simple qu’elle ne trouverait sous aucun régime les avantages que lui assurent les institutions sous lesquelles elle vit. Qu’on remarque en effet que l’église est entièrement libre en Belgique : par ses associations, par ses corporations, par ses établissemens d’instruction publique, elle a une situation et un pouvoir considérables. Depuis l’évêque jusqu’au plus simple prêtre, toutes les nominations se font en dehors de toute intervention de l’état. Les communications du clergé belge avec Rome sont pleinement libres. Comment donc l’église belge songerait-elle à échanger contre un régime politique quelconque cette souveraine et entière liberté que lui garantit la constitution belge ? Et cependant il n’est pas moins vrai que les exagérés du parti catholique parlent souvent comme s’ils nourrissaient des desseins hostiles contre les institutions libérales. Ils refusent au pouvoir civil les plus simples prérogatives : ils mettent parfois l’état en interdit, ils inquiètent l’esprit moderne dans ses plus légitimes aspirations, et ils arrivent à créer toute sorte de perplexités aux hommes d’état qui ont parfois la mission de gouverner au nom du parti catholique. C’est ainsi que le chef du dernier cabinet, M. de Decker, s’est trouvé jeté dans la situation la plus difficile, et qu’il n’a pu contenir un jour cette parole, qu’un souffle d’intolérance semblait passer sur le pays. Certains catholiques ont reproché à M. de Decker sa retraite comme une défection. Que pouvait-il faire cependant en présence du résultat des élections communales ? Il avait, il est vrai, la majorité dans les cham-