Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/696

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un jeune homme qui ne songe à aimer deux de ses cousines que quand il ne peut plus les aimer, c’est-à-dire quand elles sont mariées, et qui alors les aime toutes les deux, qui ne se détermine à s’éprendre sérieusement d’une troisième de ses parentes, encore dans la fleur de sa jeunesse et de sa beauté, que lorsqu’on lui assure qu’il doit être à jamais séparé d’elle ; mêlez à ceci un oncle bonhomme, deux maris peu clairvoyans, des oppositions de goût et de caractère, des troubles féminins, des élans de jeunesse, des scènes assez piquantes : ce sera la comédie nouvelle, dont le mérite est dans le détail comme dans la vivacité du dialogue. Hélas ! qui n’a pas son fruit défendu dans la vie ? Dans la comédie de M. Camille Doucet, personne n’y touche, et tout le monde est content ou en a l’air. Que faut-il de plus ? Il reste à savoir si la vie réelle ressemble toujours à la comédie. Cette pièce de M. Scribe qui a repris récemment son rang au théâtre, la Calomnie, laisse une impression plus triste, quoiqu’elle soit spirituellement comique. Le jour où l’auteur fécond de tant de vaudevilles a eu l’idée de peindre la calomnie, il a songé sans doute à faire une œuvre sérieuse, et s’il n’a point réussi dans le sens le plus complet du mot, il a tracé un tableau qui n’a perdu ni sa nouveauté ni son intérêt. C’est une esquisse des mœurs politiques d’autrefois qui revient à la lumière dans un temps où toutes les conditions de la politique sont changées.

Au milieu du calme des états européens, ramenés impérieusement par le cours des choses sous la discipline des pouvoirs concentrés et prépondérans, voici deux pays restés malgré tout en possession du régime constitutionnel et parlementaire, et où s’agitent des questions qui intéressent le monde. Ces deux pays sont la Belgique et le Piémont. Ce dernier sort à peine d’une crise d’élections qui a déconcerté plus d’une prévision. La Belgique vient d’entrer à son tour dans un mouvement semblable par suite de la dissolution de la chambre des représentans qui a été le premier acte du nouveau cabinet. On sait comment cette situation s’est engendrée en Belgique, comment le pays a vu passer tous ces faits, les discussions orageuses de la loi de la bienfaisance, les manifestations populaires, l’ajournement et la clôture de la session, les élections communales, la retraite du dernier cabinet, l’avènement d’un ministère libéral. Tout se suit, tout s’enchaîne. Aujourd’hui, en présence de ce scrutin qui va s’ouvrir le 10 décembre, les partis parlent successivement au pays. Le gouvernement a tenu d’abord à s’expliquer ; il l’a fait dans une circulaire que M. Charles Rogier s’est empressé d’adresser aux gouverneurs des provinces, et où le nouveau ministre de l’intérieur s’est principalement proposé de dissiper les préventions sur l’origine du cabinet, comme aussi d’attester le caractère conservateur et sensé de son libéralisme. Le parti catholique, à son tour, vient de publier un manifeste aux électeurs, manifeste qui ne dissimule rien et qui reste dans les limites d’une sage politique. Enfin le parti libéral, en dehors du gouvernement, adresse au corps électoral une longue lettre où il raconte les événemens, et où il s’efforce de rassurer en même temps que d’attirer à lui les populations rurales. Au fond, la Belgique est livrée aujourd’hui à deux partis qui se renvoient mutuellement la responsabilité d’une crise qui a ses difficultés et ses anomalies pour tout le monde, puisque le parti catholique a