Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/691

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

où le plus simple progrès rencontre sur son chemin les rivalités, l’esprit de routine, les prétentions surannées. La question des principautés attend depuis plus d’un an une solution, et nul ne peut savoir encore comment elle sortira de tous les défilés qu’elle a dû traverser. Si le Danemark cherche à se reconstituer dans des conditions plus libérales et plus conformes aux nécessités de notre temps, il vient se heurter contre les susceptibilités germaniques, qui lui disputent ses droits de souveraineté sur les duchés en invoquant les vieilles chartes et les droits de la nationalité allemande. Si la France et le grand-duché de Bade s’entendent pour construire un pont à Kehl afin de relier les chemins de fer des deux pays et de supprimer dans les relations commerciales l’obstacle du Rhin, cette mesure si simple et inévitable, on peut le dire, ne laisse pas d’exciter plus d’une méfiance. La première de ces questions appartient à l’Europe ; les deux autres sont aujourd’hui soumises à la diète de Francfort, réunie depuis quelque temps.

Ce ne sont point là de grandes affaires, si l’on veut ; telles qu’elles sont-elles résument ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui la partie pratique de la politique européenne. La question des principautés ne peut plus être longtemps ajournée désormais. D’ici à peu, l’œuvre des divans sera terminée, celle de l’Europe commencera ; les conférences seront ouvertes sans doute avant la fin de janvier prochain. Jusque-là cependant, ceux qui se sont donné la mission d’entraver une réorganisation sérieuse de la Moldo-Valachie ne restent point inactifs. Tantôt ils s’évertuent à supposer un changement de politique de la part de la Russie et de la Prusse, qui ont péremptoirement contredit ces hypothèses, et qui persistent plus que jamais dans leurs dispositions premières ; tantôt ils s’efforcent de montrer sous le jour le plus défavorable les divans de la Valachie et de la Moldavie, qu’ils représentent comme des foyers révolutionnaires. Qu’il y ait eu des choix malheureux dans le divan de Bucharest, que des questions dangereuses ou inutiles aient été agitées, cela se peut ; que ces révolutionnaires soient fort menaçans, on en jugera en voyant ces républicains demander à l’Europe un prince choisi dans l’une des familles souveraines de l’Occident. On peut en juger encore mieux aujourd’hui en parcourant le mémorandum dans lequel les Valaques exposent leurs vœux avec autant de modération que de netteté. La raison secrète de l’insistance qu’on met à faire surgir du fond des principautés une menace révolutionnaire, cette raison se dévoile peut-être dans le bruit habilement accrédité de désordres possibles qui rendraient nécessaire une occupation des provinces danubiennes. Après avoir inutilement essayé de ramener à son point de vue la Russie et la Prusse, après avoir multiplié les circulaires, où elle va jusqu’à mettre en doute l’authenticité des capitulations qui consacrent les privilèges des Moldo-Valaques, la Turquie voudrait peut-être en venir à un fait plus concluant, en commençant par aller occuper les deux provinces. Malheureusement la Turquie se trouve ici en présence d’un document plus récent, plus solennel et plus notoirement authentique que les capitulations anciennes : c’est le traité de Paris, d’après lequel les principautés ne pourraient être occupées qu’avec le consentement de l’Europe. Or il est douteux que la Turquie obtienne aujourd’hui cet assentiment. Il faudrait des événemens plus sérieux pour provoquer un acte d’une telle