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Schmidt, le disait éloquemment dans une œuvre toute récente, — hêlas ! elle coule si lentement, cette politique, le flot est si pesant et si morne, qu’on ne saurait dire en vérité s’il marche ou s’il recule. » Il y a donc, même pour les plus sages, pour les plus fermes esprits, des heures de tristesse et de découragement ; mais ce n’est pas là, grâce à Dieu, l’inspiration habituelle de M. Berthold Auerbach. Ce n’est pas à moi de lui apprendre qu’il y a en Allemagne des figures populaires, des images nationales qu’un Allemand peut regarder avec amour. Son livre est expressément dirigé contre les hommes à qui les désillusions ont enseigné l’indifférence. Il sait que le désespoir est un mauvais conseiller, et qu’à ses explosions violentes succède ordinairement le sommeil de l’âme. Point de désespoir violent, point d’abattement inerte, c’est la première loi de sa morale. Il excelle à parler du travail, à en montrer la vertu bienfaisante. Au milieu de ses rustiques histoires, il place un discours grave, solennel, évangélique, une sorte de sermon sur la montagne, et ce sermon est la glorification de l’activité humaine. « Il y a une chaire ; qui sait où elle est ? Il y a une communauté ; qui pourrait dire son nom ? Dans cette chaire, devant cette communauté, un orateur sans fonctions et sans titre parlait ainsi : Je viens vous parler de la majesté et de la couronne de l’homme, qui s’appelle le travail. » Et sur ce sujet tant de fois traité, l’orateur trouve des idées neuves, des rapprochemens inattendus, ou plutôt il n’y a pas ici d’orateur. Cette voix mystérieuse au sein d’une communauté inconnue, c’est la conscience de l’humanité. Je travaille et je suis heureuse de mon travail, tel est le murmure qui sort de tous les lieux où la race humaine accomplit son œuvre, murmure indistinct, qui a besoin d’une traduction précise. Le discours de M. Auerbach sur la sainteté du travail est la traduction de ce chant harmonieux et confus qui sort des ruches bourdonnantes.

Voilà le livre intitulé l’Écrin du Compère. On pourra en retrancher bien des histoires un peu puériles, on pourra abréger des développemens, supprimer des répétitions, il y restera toujours un merveilleux choix d’apologues, de légendes, de vérités morales, vivement exprimées et plus vivement encore lancées à leur but. L’auteur sait maints fabliaux des vieux temps, il les arrange à sa manière, et ses contemporains s’y reconnaissent. Il aime aussi à donner des leçons de philologie, à expliquer le sens d’un mot, d’une formule, à en retrouver l’origine première, et ce n’est pas seulement la tradition littéraire, c’est la tradition morale qui est renouée. Certains mots sont des médailles qu’une pensée énergique avait frappées ; médailles rouillées, pensées évanouies, l’auteur les dérouille avec adresse, et les voilà remises en circulation. Tout cela est fait gaiement, allègrement, sans ombre de pédantisme, avec une bonne humeur