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été tirés deux des plus précieux manuscrits que possède actuellement la Bibliothèque impériale. Tous deux sont connus sous le nom de manuscrits d’Urfé. L’un est un recueil de poésies des troubadours, l’autre est ce célèbre et magnifique in-folio en vélin, contenant toutes les pièces aujourd’hui publiées du procès de Jeanne d’Arc.

Le père d’Honoré, Jacques d’Urfé, eut de son mariage avec la fille de Claude de Savoie, comte de Tende, né d’une branche bâtarde de la maison souveraine de Savoie, six fils et six filles. Honoré était le cinquième des six garçons, dont l’un mourut en bas âge. L’aîné des enfans, Anne d’Urfé, faisant allusion aux goûts littéraires de la famille, nous dit ceci : « A sa mort, notre père nous laissa cinq frères dont nous fûmes trois qui nous délectâmes à mettre par escrit. » C’était en effet un grand barbouilleur de papier qu’Anne d’Urfé. Tout en prenant comme chef de la ligue dans le Forez une part active aux guerres de religion, il écrivait sans cesse de la prose et des vers, et avait acquis une certaine célébrité littéraire qui lui valut des éloges de Ronsard, mais qui s’est complètement perdue dans l’éclatante renommée de son frère, l’auteur de l’Astrée.

Celui-ci naquit en 1568 à Marseille, où l’un de ses oncles maternels, Honoré de Savoie, comte de Tende, résidait comme gouverneur de Provence, et où probablement sa mère était venue du Forez faire une visite à son frère. Le jeune Honoré d’Urfé fut élevé dans un collège tenu par les jésuites, et qui jouissait alors d’une grande réputation, au collège de Tournon. Il nous reste de cette période de sa vie un opuscule d’écolier rédigé par lui-même à quinze ans en 1583, et imprimé à la même époque, qui nous fournit des détails assez curieux, et qu’on ne trouverait peut-être pas ailleurs, sur l’éducation qu’on donnait alors aux jeunes gentilshommes. C’est un récit des fêtes qui eurent lieu au collège de Tournon en 1583 à l’occasion du mariage du seigneur de cette ville avec Madeleine de La Rochefoucauld. On voit figurer dans ces fêtes près de quinze cents écoliers « vestus, dit le jeune auteur, de leurs habillemens scolastiques, conduicts et rangés de trois à trois, portants en main un petit rameau, qui d’olivier, qui de laurier, qui d’aubespin fleuri. Et premièrement ceux de la cinquième classe, deux gentilshommes desquels en passant récitèrent des vers françois à la louange de ladicte dame, et ainsi de suite ceux de la quatrième, troisième, seconde et première, comme ceux de la dialectique, physique, métaphysique, mathématique et théologie, chacune classe conduicte par bastonniers, et par deux régents qui les suivoyent pas à pas. Et à mesure que chaque classe s’approchoit, deux des plus nobles et des plus suffisants d’icelle récitoyent quatre ou cinq vers, les uns en latin, les autres en grec, hébreu, caldée, syriac, allemand, italien,