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LA
LITTERATURE ROMANESQUE

I.
DU ROMAN EN FRANCE JUSQU'A L’ASTREE.



I

De tous les genres de composition littéraire, le genre qui fut le plus étranger à l’antiquité, au moins sous sa forme actuelle, est précisément celui qui a été le plus cultivé, le plus goûté par les modernes.

Quel que soit le rang qu’on assigne au roman dans la hiérarchie des productions de l’esprit humain, il faut bien reconnaître que depuis que cet aliment intellectuel est entré dans nos habitudes, nul autre ne fut jamais d’un usage aussi général. Durant tout le moyen âge, lorsque les hommes, vivant par petits groupes isolés, n’ont entre eux que des communications orales et ne se réunissent en grand nombre qu’à de rares intervalles, sous l’influence du sentiment religieux, leur intelligence, en dehors des préoccupations religieuses, se nourrit presque exclusivement de fictions romanesques récitées de bourgade en bourgade, de château en château, par les troubadours et les trouvères. Plus tard, l’invention de l’imprimerie s’applique tout d’abord à la multiplication sans fin des romans. Plus tard encore, à mesure que la société s’éclaire et se transforme, à mesure que les chefs-d’œuvre apparaissent dans toutes les autres parties de la littérature, le roman se transforme de son côté, se diversifie, se perfectionne, et captive les esprits raffinés du