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dire, dans le premier cas, 75 kil. de graisse, et 19k,5 dans le second. On s’était donc trompé, cela est certain. Bien plus, cette production de graisse, la formation du sucre, démontrée par M. Bernard, me porteraient à supposer, contrairement à l’opinion établie, que l’organisme des animaux est peut-être capable de produire tous les principes immédiats, comme la fibrine et l’albumine, et que ces mêmes substances, introduites dans l’économie, sont décomposées pour être reformées ensuite. Cette opinion ne saurait être hardiment soutenue sans des expériences nouvelles, mais elle me semble probable. Pourtant, quand même elle serait un jour démontrée, serait-ce une raison pour ne plus croire les chimistes sur rien et pour proscrire en masse les résultats d’une science admirable ?

Il est arrivé souvent que des gens habiles ont échoué, et l’on en conclut que la science est pernicieuse en agriculture ; mais l’ignorance n’a jamais été une cause de succès, et l’agriculture anglaise est là pour démontrer que la routine n’est pas seule propre à produire a bon marché de la viande et du grain. La ferme de Bechelbronn et tant d’autres prouvent aussi que, fût-on un homme d’esprit, un membre de l’Académie des Sciences, un chimiste et un observateur habile, fût-on M. Boussingault, on peut réussir à diriger une exploitation, et qu’il n’est pas toujours inutile de savoir ce qu’on fait. Cependant de la patrie même de la culture savante sont venues des attaques contre M. Liebig. Dans le journal de la Société royale d’agriculture, M. Lawes a assuré que des expériences directes sur le sol contredisaient les théories de laboratoire, et que celles-ci écoutées devaient rendre en peu de temps stérile le champ du cultivateur. Des Allemands l’ont suivi dans cette voie, et M. Liebig s’est vu violemment attaqué. Il s’est aussi vivement défendu, et nous ne parlons du débat que parce qu’il pourrait effrayer les timides. Il s’agit de l’azote, c’est-à-dire d’une des plus grandes questions de la chimie agricole. Les agriculteurs anglais et allemands ont accusé le professeur de Giessen d’avoir affirmé que tout l’azote des plantes provient de l’ammoniaque de l’air. M. Liebig a tenté de se justifier en répondant qu’on avait pris d’une façon trop absolue quelques phrases de son livre, et que surtout on avait eu tort de conclure de ses assertions que les sels azotés, sels d’ammoniaque ou nitrates, devaient être inutiles et nuisibles. C’est surtout sur ce dernier point que sa défense est excellente. Sur le premier, elle est difficile, car il est certain qu’il avait combattu la plupart des chimistes de la France, où l’on soutenait qu’il fallait faire deux parts de l’azote des plantes, — l’une venant de l’air et l’autre du sol. Sur le second point, M. Liebig est inattaquable, car, pour d’autres raisons, il avait reconnu l’utilité des sels d’azote, surtout afin de dissoudre