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surtout les phosphates et la silice. Ces connaissances, combinées avec l’art de distinguer les plantes qui puisent l’azote dans l’air ou dans le sol, et aussi avec la nécessité, pour nettoyer les champs, d’introduire dans l’assolement des plantes sarclées, qui sont en général des plantes à potasse, — voilà ce qui donne naissance à un bon assolement. Ce n’est pas ici le lieu de les discuter tous et de chercher le meilleur ; mais qu’on étudie par exemple l’assolement quinquennal adopté à Bechelbronn par le grand chimiste agriculteur, M. Boussingault, et l’on verra comment, après avoir fait produire à sa terre plus que personne, il la retrouve toujours après chaque récolte en meilleur état ; la culture pourrait ici être éternelle sans que le sol fût appauvri.

Pour être tout à fait juste, il faut convenir qu’un autre effet, dont les chimistes n’ont pu encore déterminer la cause, vient confirmer la théorie des assolemens. Une plante, quelque peu épuisante qu’elle soit, quelque bien fumé que soit le champ, ne saurait venir longtemps de suite au même endroit. L’explication est fort simple, lorsqu’on ne rend pas au sol ce qu’il a perdu ; elle devient difficile dans le cas contraire. Le fait paraît certain cependant à bien des gens, mais on ne saurait disconvenir qu’il n’est pas général. Le maïs est cultivé d’une manière continue sur la côte du Pérou, le blé sur le plateau des Andes, le topinambour en bien des endroits, à Bechelbronn en particulier, où il rapporte annuellement en moyenne 330 hectolitres ou 26,400 kilog. à l’hectare. D’autres exemples encore prouveraient que le fait n’a pas toute la généralité qu’on lui attribue, et qu’il est inutile d’avoir recours, pour l’expliquer, à des excrétions végétales qui, dit-on, tueraient la plante qui les a produites, qui pourraient en nourrir d’autres, et qui sont apparemment invisibles, ou à des animaux enfantés sans doute par la génération spontanée, nuisibles à une plante et utiles à l’autre. Pourtant le fait est vrai, et même des plantes appelées plantes améliorantes, qui ont des organes aériens très développés, en sorte qu’ils puisent surtout leurs élémens dans l’air, et dont les racines restent dans le sol, en sorte que la récolte enlève peu ou point d’azote, peu de silice, substance si nécessaire au blé, et seulement un peu d’alcali, — de telles plantes ne peuvent rester longtemps vivantes sur le même champ. Assurément il y a là quelque chose d’inexplicable encore aujourd’hui.

Il résulte de tout cela que le plus important pour un agriculteur est de ne pas exporter au dehors une grande quantité de sels minéraux. La Sicile, le grenier des Romains, les provinces de Virginie et du Maryland sont devenues improductives ; l’Angleterre même le serait aujourd’hui, tant elle a perdu de phosphore, si les perfectionnemens