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appuyée sur des faits particuliers. C’est de ces faits que nous voulons parler, et il nous semble qu’il ne serait pas inutile de tenter d’expliquer quelques-uns de ces phénomènes, qui paraissent souvent fort simples, parce qu’ils sont très communs, qui deviennent incompréhensibles lorsqu’on y pense sérieusement, et qui pour une raison ou pour une science un peu plus avancée arrivent à être parfaitement clairs et explicables. Ainsi nous parlions du blé tout à l’heure : pourquoi épuise-t-il le sol ? Surtout parce que ses racines absorbent du phosphate de chaux et sans doute aussi de l’ammoniaque. Si ces deux substances manquent, il ne viendra point. Une analyse facile ne vaut-elle pas mieux qu’une expérience coûteuse et longue ? De même le raisin est en partie formé de tartrate de potasse : comment la vigne fructifierait-elle sur un sol qui ne contiendrait aucun sel potassique ? Les circonstances atmosphériques agissent sans doute, et on doit en tenir compte ; mais si, comme chacun en convient, la plante puise ses élémens dans ce qui l’entoure, la pluie et la sécheresse n’ont qu’une influence secondaire. Elles ne peuvent ni suppléer à l’absence des réactions, ni créer de nouveaux élémens. La terre est composée de substances agissant chimiquement les unes sur les autres sous l’influence de la chaleur, de l’air et de l’électricité. Comment cultiver un sol sans connaître la plupart de ses actions, sans savoir ce que c’est que l’air, ce que c’est que l’eau, les combinaisons et les décompositions de l’un et de l’autre ? Les lois de la nature sont immuables et éternelles, et ce qui a été reconnu par la science est vrai aussi dans la pratique. Lorsqu’une expérience est en contradiction avec une de ces lois, assurément elle a été mal faite. Ajoutons même que tout succès en dehors des règles ne peut être très utile, car comment se placer dans les mêmes conditions, si on ne les a pas scientifiquement observées ? On risque de réussir une année et d’échouer vingt fois.

On ne peut s’étendre longuement ici sur les généralités de la chimie agricole, et il faut entrer tout de suite au cœur même du sujet. Les sciences appliquées ne comportent pas d’idées générales, et la chimie est tout entière dans ses applications ; c’est la pratique des autres sciences. Elle ne se compose point d’abstractions logiquement enchaînées ; elle observe les faits, et si elle explique parfois, ses explications reposent toujours sur des expériences nouvelles. Faire une théorie chimique, c’est mettre en évidence toutes les conditions d’un phénomène et vérifier par des essais distincts chaque conclusion. Un bon traité de chimie est un recueil d’expériences, et le meilleur est celui qui en contient le plus sous la forme la plus précise. Aussi introduire cette science dans une autre, dans la physiologie, l’agriculture, la médecine ou la minéralogie, c’est y introduire l’expérience,