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fiance générale n’entourât le gouvernement. Le résultat des élections en fut la preuve décisive. De quelque manière qu’on juge l’esprit qui anima les électeurs, il était la condamnation de la politique suivie jusque là. S’il était éclairé et sage, le gouvernement avait tort. Si l’esprit public s’égarait, un gouvernement qui, en six ans de durée et de succès, s’était au sein de la prospérité publique aliéné l’opinion, ne pouvait avoir eu dans l’ensemble de prévoyance ni d’habileté. Sa chute aurait dû servir de leçon à ses amis.

Alors commença cette quatrième époque de la restauration à laquelle un homme d’esprit et de talent, plus fait pour bien servir un gouvernement que pour le diriger, M. de Martignac, a attaché son nom. Cette fois encore la réconciliation parut possible, et avec la réconciliation l’affermissement de toutes les institutions. Cependant l’œuvre était plus difficile qu’en 1819, mais le succès aurait pu être plus durable. La France se sentait très forte ; elle avait conscience que le temps était pour elle. À mesure que la société politique se recrutait par des générations nouvelles, l’esprit qui l’animait devait se prononcer davantage. Au commencement de la restauration, le monde était rempli de témoins de la révolution. Les fautes et les revers, ou, pour tout dire, les crimes et les désastres leur avaient laissé parfois des passions assez vives, plus souvent des sentimens de découragement et de crainte. La répugnance pour les hommes et les idées d’ancien régime s’unissait à la défiance envers les hommes et les choses de la révolution ; mais en 1828 le temps avait modifié les élémens de la société. À mesure que ceux pour qui les temps qui ont précédé notre révolution étaient relégués dans l’histoire entraient sur la scène, ils apportaient à leurs devanciers toute la force de la jeunesse et de l’espérance. La monarchie, si elle ne savait se concilier cette force, allait la rencontrer incessamment devant elle, chaque jour moins maniable, chaque jour plus puissante. S’il eût été donné au prince qui régnait alors de mourir sur le trône, il aurait d’année en année vu se développer cet esprit nouveau qu’il regardait comme son vieil ennemi, et qu’il se faisait gloire de n’avoir jamais compris. Charles X avait beaucoup plus d’esprit que ne lui en attribuait la commune renommée, de bons Juges lui en ont trouvé même plus qu’à son frère ; mais l’histoire prononcera tout autrement, et l’histoire sera juste. Ce roi aimable et spirituel, à la faute irrémédiable d’avoir en aversion à peu près toutes les opinions et tous les sentimens de son peuple, ajoutait l’irréparable inconvénient de n’avoir de sa vie conduit par lui-même une affaire de guerre, de diplomatie ou d’administration. Il était donc dans les conditions requises pour unir le plus mauvais système politique à la plus mauvaise exécution. Il semblait un de ces hommes prédestinés à porter à leur cause le coup mortel.