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tie la cause, et dont on exagérait les dangers. Ce qui avait réussi jusqu’alors parut imprudent. D’excellens esprits modifièrent leurs idées sous l’influence de leurs alarmes. Des amis sincères de l’état crurent que, dans le doute entre le danger de continuer à marcher et celui de revenir en arrière, le dernier était encore le moindre, et que la politique des précautions était après tout plus sûre que celle des concessions. C’est l’éternelle question de la résistance et du mouvement, de la conservation et de la réforme. Je suis prêt à convenir que la moins hardie de ces deux politiques n’est pas pour cela mauvaise en elle-même, et qu’elle a ses chances de réussite et ses jours d’à-propos. Jusqu’ici cependant ses succès n’ont pas décidé qu’elle fût toujours la meilleure dans les cas douteux.

Des événemens imprévus vinrent ajouter à la force d’impulsion qui entraînait le pouvoir vers un système purement défensif. Parmi les incidens funestes, et ils sont nombreux, qui viennent si souvent compliquer ou entraver chez nous la conduite des affaires, le crime, disons-le avec une amère tristesse, joue un rôle important. La catastrophe du 13 février 1820 fut une calamité publique. Elle servit, comme toujours, au parti qui s’en montra le plus fastueusement indigné, et, comme toujours aussi, elle lui prêta cette force ardente et factice qui précipite les fautes. Les événemens sont souvent plus funestes encore comme prétextes que comme malheurs.

Le ministre qui avait inauguré au 5 septembre l’ancienne politique, et qui se fût prêté, dans l’inquiétude dont on l’entourait, à la modifier ou à la suspendre, eut le bonheur d’être dispensé, par les furieuses attaques de ses ennemis, de la tâche difficile de revenir sur ses pas, et les hommes habiles et éclairés qui entreprirent sans lui de diriger ce mouvement un peu rétrograde n’en restèrent pas longtemps les maîtres. Leur sagesse l’aurait sans doute arrêté à ce point où il n’eût rien compromis d’essentiel. Ceux mêmes qui souhaitaient un autre système ne pouvaient méconnaître qu’il y a presque toujours plusieurs manières de gouverner un pays, et que celle qui leur plaisait le moins pouvait être pratiquée avec une prudence qui en conjurât les dangers et en assurât le succès. C’est à cette prudence que ne se prêta point un des partis qui appuyaient le pouvoir, et, non content de l’appuyer, il l’entraîna.


VI.


La période qui s’écoula de 1820 à 1827, ou la troisième époque de la restauration, fut, dans la dernière et majeure partie de son cours, le règne, non de la contre-révolution, mais de l’esprit contre-révolutionnaire contenu par la charte. Je suis aussi profondément qu’alors convaincu que la direction était mauvaise, et que tout, même