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M. Sainte-Beuve, qui a classé un jour tous les esprits politiques de notre temps en girondins et en doctrinaires, il est certain que celui pour qui la dernière épithète fut inventée ne dut jamais être goûté, ni, j’en ai peur, compris de celui à qui il nous faudra bien attribuer la première. Il y avait en effet du girondin dans M. Lainé, plus l’austérité et la circonspection.

M. Royer-Collard, qu’il faut renoncer à peindre faute de le pouvoir faire en quelques traits, avait dans la monarchie d’alors cette confiance que tout esprit philosophique doit porter à ce qu’il tient pour la vérité. « Elle est la vérité dans le gouvernement, » disait-il. Aussi, quoique des souvenirs toujours présens le rendissent sévère à l’extrême pour les choses révolutionnaires, il en était plus éloigné par des répugnances que par des craintes, et il se persuadait volontiers que la vérité dans le gouvernement n’avait besoin que d’être servie avec habileté et décision pour triompher sans imposer trop de sacrifices aux idées absolues de justice et de liberté. Il ne se refusait pas aux concessions, mais il voulait qu’on les tînt pour concessions, et en consentant à des ménagemens temporaires, il entendait qu’on se proposât pour but la pleine réalisation du gouvernement de la charte. Sans fermer les yeux sur l’existence des partis, qu’il jugeait avec une sagacité inexorable, il comptait sur une France qu’il croyait voir se former en dehors d’eux ; il espérait en un prochain avenir, où les passions amorties, disparues avec les hommes, permettraient le libre développement des principes tour à tour exagérés et violés par les factions. C’est dans la session de 1817 que, tout en accordant au pouvoir les lois d’exception qu’on jugeait encore indispensables, il se plut à en prédire le terme, et signala pour la première fois l’avènement de ce qu’après lui on a nommé de toutes parts la France nouvelle. Il faut redire ses paroles.

« Voilà qu’enfin, après trente années qui se sont écoulées depuis l’origine de nos troubles, une nation nouvelle s’avance et se range autour du trône renouvelé comme elle. À mesure qu’elle s’avance, elle recueille dans ses rangs tous ceux qui n’ont été ni mazarins ni frondeurs, et qui n’ont voulu que le bien de l’état, espèce de gens, dit le cardinal de Retz, qui ne peut rien au commencement des troubles, et qui peut tout à la fin. La nation dont je parle, innocente de la révolution dont elle est née, mais qui n’est point son ouvrage, ne se condamne point à l’admettre ou à la rejeter tout entière. Ses résultats seuls lui appartiennent, dégagés de tout ce qui les a rendus irrévocables. Supérieure aux partis en force, en dignité, en bon sens, exempte du vieux levain de discorde qui les tourmente, étrangère à leurs querelles, qui sont déjà loin d’elles, leurs excès lui ont enseigné la modération, leur turbulence lui a fait un besoin du repos ; elle vient, au nom de la patrie commune, leur commander le