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et les méprises d’une vanité qui choisit mal ses griefs et ses appuis, rendit alors de véritables services. Il inventa le brillant sophisme qui servit à son parti d’épée et de bouclier. Il leur montra comment on pouvait verser le vin nouveau dans les vieux vaisseaux, et déguiser la contre-révolution sous un masque de libéralisme, sorte de fiction dont il ne parvint plus tard à faire une vérité qu’en changeant insensiblement de côté, et en revenant par un long détour au parti des institutions populaires.

Mais la France, défiante et blessée, tint peu de compte de ces subtiles distinctions, de ces évolutions savantes. Elle s’obstina à voir dans le parti de 1815 un ennemi des garanties que la révolution tenait de la loi fondamentale. Elle crut ses droits et ses intérêts nouveaux en péril tant que les portes du pouvoir restaient ouvertes du côté de la contre-révolution, et elle ne respira qu’au jour mémorable où la royauté, la couvrant elle-même de son sceptre, éloigna d’imprudens amis. Un ministre dont nous parlions il n’y a qu’un moment, et qui, jeune alors et sans antécédens, était à peine connu du public, avait, moins par les calculs d’une profonde ambition que par les habiles services d’une activité bienveillante et par le talent de plaire au monarque en l’éclairant, gagné la première influence dans l’état. Choisissant bien ses amis, acceptant les conseils, prompt à les rendre praticables et à les changer en résolutions, flexible et décidé, doué d’un coup d’œil assez sûr pour se passer de méthode et même de prévoyance, M. Decazes, qui depuis longues années a cessé de toucher au pouvoir, exerçait alors dans le conseil une prépondérance qu’on lui aurait plus disputée, si elle avait été dès l’abord plus aperçue. Il vit avec clarté l’angoisse de la France et le péril du pouvoir, et l’ordonnance du 5 septembre fut rendue. Peu d’actes importans de gouvernement ont été aussi promptement compris de la nation et accueillis avec une intelligence plus reconnaissante ; Les conséquences s’en étendirent à deux règnes. Louis XVIII restera dans l’histoire caractérisé par cette mémorable mesure, qui lui appropria la charte constitutionnelle mieux que tous les préambules et que tous les discours. L’homme d’état qui a décidé alors sa volonté a fait une des grandes choses de notre temps.


V.


Sous l’impulsion donnée par l’ordonnance du 5 septembre s’ouvrit, avec la seconde époque de la restauration, la voie du véritable gouvernement représentatif. On y marcha lentement, maison y fit de grands pas. D’éminens esprits, cherchant à la fois la théorie et la pratique des institutions de la France en présence de la France