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défiance au mécontentement des amis outragés de l’empire. Après les premières émotions de soulagement dues au retour d’une paix longtemps inespérée, le patriotisme s’aperçut de ses blessures et les sentit douloureusement saigner. Le parti de la monarchie s’était trop longtemps tenu à l’écart, il avait trop longtemps, au-delà comme en-deçà du Rhin, vu avec des sentimens, au moins fort combattus, les victoires des trois couleurs, pour ne pas se consoler assez facilement des disgrâces de la France, en songeant qu’après tout c’était un gouvernement usurpateur qui les avait amenées. Il ne réfléchit pas que le pays, par une généreuse injustice, absolvant les auteurs de ses revers, en accuserait ceux qui en profitaient sans y avoir contribué ; il ne comprit pas assez que le plus grand des malheurs était de triompher là où la France succombait. En même temps, clémente et désarmée, la restauration, représentée par une dynastie que ses infortunes mêmes semblaient convaincre de faiblesse, ne pouvait imposer, si elle ne savait plaire. Elle n’avait rien de ce qui intimide. D’ailleurs le nouveau paraît rarement durable, et la brusquerie des événemens qui avaient renversé l’empire faisait rentrer dans les esprits cette idée d’instabilité, qui depuis lors n’en est peut-être jamais complètement sortie. Ainsi, sous les apparences d’un acquiescement universel, il se créa un fonds de mécontentement général, sans haine, sans crainte et sans impatience. Dans la conviction que les événemens seuls avaient rétabli ce qu’on voyait, que toute la force du pouvoir était née des circonstances et disparaîtrait avec elles, on s’habitua à tout considérer comme un provisoire, à se figurer l’avenir au gré de ses vœux, de ses calculs ou des combinaisons de la prescience politique. Dans les classes les plus riches même, où l’on aime peu à pronostiquer les changemens, la conversation roulait ouvertement sur les chances de durée de la dynastie, sur la possibilité d’établir avec elle ou sans elle des institutions libres, sur l’avenir de la charte, sur l’éventualité des conspirations, sur les mouvemens novateurs de l’opinion naissante. On prédisait une crise sans la désirer, et surtout sans la craindre, et les fautes ou les travers du parti triomphant, jugés avec plus de dédain que de colère, paraissaient, sinon des griefs qui demandaient vengeance, au moins des symptômes qui annonçaient incompatibilité.

Et cependant, quoique rien ne parût solide, la chute fut imprévue. Le coup vint d’un côté auquel on ne pensait point. On avait spéculé sur beaucoup d’événemens possibles, excepté sur le plus probable. À l’exception d’un petit nombre de confidens, le 20 mars surprit tout le monde.

Ce retour de l’empereur, si rapide et si facile, eut un éclat extraordinaire, et comme Napoléon est de ces hommes privilégiés pour lesquels la poésie devance l’histoire, cet événement de sa vie a été