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dace dans la raison. Serviteur loyal et clairvoyant de l’empire, il ne demandait à la monarchie rétablie que d’être aussi nationale et plus libérale que Napoléon. Or il pense encore ce qu’il a pensé, et il écrit comme il pense. Il est de ceux dont on ne saurait trop méditer les conseils. Aujourd’hui que le public a peu à faire, ce semblerait un bon emploi de son temps que de rechercher, aux diverses époques de notre histoire, ce qu’on a voulu et ce qu’on a fait, pourquoi on a tenté et pourquoi on a échoué, comment on aurait pu réussir et rendre le passager durable et le provisoire définitif. C’est surtout dans les témoignages des contemporains éclairés qu’on trouvera ces précieuses leçons d’histoire. Ce sont eux qu’il faut avant tout comprendre pour juger leur époque, et ce sont eux souvent que les historiens ont passés sous silence. Les politiques de la restauration en particulier semblent médiocrement compris dans quelques-uns des ouvrages où sont racontés les événemens auxquels ils ont pris part. Si l’on a décrit avec chaleur, quelquefois avec éclat, les mouvemens extérieurs des partis et les phases de l’esprit du temps, l’histoire du gouvernement vu du sein des chambres législatives resterait encore à faire.

Il nous semble que l’histoire intérieure de la restauration pourrait être divisée en quatre périodes distinctes. La première, qui irait du mois de mars 1814 au mois de septembre 1816, présenterait le tableau assez confus des luttes de l’esprit militaire et de l’esprit civil, du patriotisme sans libéralisme, du libéralisme sans patriotisme, du royalisme constitutionnel et du royalisme absolutiste, amenant tous les maux de 1815, qui, bien divers dans leurs causes, ont si cruellement pesé sur les destinées de la France. La seconde période contiendrait tout le temps qui s’écoula du 5 septembre 1816 au commencement de 1820, c’est-à-dire depuis le moment où un acte de délivrance, dont le souvenir n’est point effacé, mit la France sur la voie d’un progrès continu vers la vraie liberté. La troisième comprendrait l’histoire d’une réaction provoquée par les fautes des partis, échappant bientôt aux mains qui tentaient de la contenir et de la diriger, et produisant enfin l’avènement au pouvoir de l’esprit de la contre-révolution, servi et tempéré par la flexible prudence de quelques-uns, démasqué et compromis par le zèle et l’impatience de quelques autres, jusqu’au jour où la France dissipa tout d’un souffle puissant. La période suivante, du mois de décembre 1827 à 1830, serait le tableau des luttes légales et de la collision prévue de la couronne et du parlement, crise qui aurait dû être régulière, mais dont une volonté aveugle fit une révolution. Chacune de ces périodes offrirait les plus instructives leçons, et plus d’un événement saisissant ajouterait à l’enseignement un intérêt dramatique. Les récens souvenirs de ce grand nombre d’hommes