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jour de la politique, et que chaque année lançait, hardis et confians, dans la société rajeunie. C’est là sous la restauration le vrai parti des politiques, ce parti qui est loin de réussir toujours, mais le seul qui réussisse à fonder un gouvernement : nous ne parlons pas des gouvernemens extrêmes.


III.


Le public n’a pas oublié le discours de réception de M. le duc de Broglie à l’Académie française. Ceux qui aiment l’exquise union de la noblesse des idées avec la finesse de l’esprit n’entendent pas assez souvent un tel langage pour n’en pas garder durable souvenir. Dans ce discours, on pouvait retrouver l’expression des pensées et des sentimens qui prenaient chaque jour plus complète possession du public éclairé au temps de la restauration, et qui auraient pu la sauver, si elle les avait franchement adoptés. M. de Sainte-Aulaire, à qui M. de Broglie succédait, était un des hommes de cette époque qui, avec un fonds de principes un peu différens, étaient arrivés aux mêmes vues pratiques, et qui ont le mieux servi la cause de la bonne politique par leur conduite et leur talent. Enfin, comme si rien ne devait manquer à l’honorée mémoire de cet homme excellent, une notice biographique a été écrite par M. de Barante, et ceux qui l’ont connu l’y retrouveront sous ses traits véritables. Un esprit net et gracieux, un caractère courtois et loyal, une âme douce et courageuse distinguaient à un haut degré celui qui deux fois a été si bien loué. L’écrit fort court de M. de Barante est comme un sommaire de notre histoire intérieure de 1815 à 1830. Avec son indépendance ordinaire, avec cette impartialité qui ne semble ni ménager, ni haïr personne, avec cette mesure et cette justesse aujourd’hui si rares, l’auteur a présenté sous leurs formes et leur couleur les événemens qu’il a touchés, et s’il ne les a pas reproduits tout entiers, au moins ce qu’il en montre est bien la vérité. La lecture de cet opuscule, commentée par les souvenirs d’un contemporain éclairé, en apprendrait plus que bien des livres sur la restauration. L’auteur a réuni dans deux volumes d’autres notices encore où d’autres personnages sont peints avec la même vérité[1]. Dans ces pages, où l’esprit le plus fin ne s’attache qu’à montrer les choses comme elles sont, le public actuel trouverait à chaque ligne ces idées mesurées, ces vœux sages qui auraient dû être la raison d’état de la restauration. M. de Barante est lui-même un des hommes qui ont le plus noblement marqué dans ce parti de conciliation qu’on n’a point voulu entendre, et qui, pour se faire écouter, manquait peut-être d’une certaine au-

  1. Études historiques et biographiques, 2 vol. in-8o, chez Didier, 1857.