Cependant, hâtons-nous de le dire, tel n’était pas l’esprit unique de la restauration. Elle avait d’autres amis, elle pouvait appeler d’autres conseillers. Et voici comment ceux-ci auraient pu s’exprimer : « Il n’y a de vrai dans la légitimité que l’hérédité de la couronne, ou plutôt, comme dit Montesquieu, « ce n’est pas pour la famille régnante que l’ordre de succession est établi, mais parce qu’il est de l’intérêt de l’état qu’il y ait une famille régnante. » C’est donc de l’intérêt de l’état qu’elle dérive son droit, et ce droit ne pénétrera dans la croyance commune qu’à mesure que l’intérêt de l’état sera mieux senti et plus manifeste. Il ne faut donc rien attendre que du bon gouvernement. Gardons-nous aujourd’hui de le chercher dans le passé : les événemens ont condamné le passé. N’y voyons que ceci : la France est de temps immémorial un état monarchique et un état chrétien ; mais sous l’influence des siècles la monarchie féodale y était devenue la monarchie administrative, et la religion, cette sorte de catholicisme national qu’on appelle le gallicanisme. Ce n’est pas la restauration qui a rétabli ces deux choses ; elle les a trouvées rétablies toutes deux depuis le commencement du siècle. Toutes deux n’ont plus à être modifiées, l’une que par la liberté des cultes, l’autre que par la liberté constitutionnelle. C’est l’œuvre à laquelle doit présider la royauté renouvelée. Que l’antiquité du nom, la communauté de patrie et de souvenirs la recommandent aux peuples ; que le principe monarchique renaisse, comme dit le poète latin, alius et idem, c’est un avantage dont rois et peuples doivent profiter. L’éclat historique a son prestige ; mais ce n’est pas une raison pour gouverner les yeux fixés sur le passé. Si l’histoire doit être consultée, ce n’est pas celle de l’ancien régime, lequel a mal fini, mais celle des révolutions heureuses. Si l’expérience doit être étudiée, interrogée, c’est celle des peuples libres. Là est cette conciliation des différends, ce mélange des contraires, ou plutôt cette transaction entre le présent et le passé qui est en tout temps le but de la vraie politique, — jamais plus clairement, jamais plus nettement qu’au lendemain de la restauration. »
Tel est le système de gouvernement auquel avec une vue plus ou moins lucide, une résolution plus ou moins ferme, arrivaient d’excellens esprits partis de points divers. Là se réunissaient des hommes de 89 éclairés par les enseignemens de la révolution, des amis de la république prêts à en abandonner la forme pour en sauver les principes, des serviteurs de l’empire loyaux jusqu’au terme, mais de plus en plus convaincus par l’événement que les pouvoirs limités sont seuls durables, enfin jusqu’à des hommes de l’ancien régime ou de l’émigration, supérieurs à leur cause par leurs lumières et à leurs ressentimens par leurs vertus. Là en définitive devaient venir se grouper successivement tous ceux dont les yeux s’ouvraient au