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rêver de telles extrémités : c’est leur métier d’être exclusifs. Encore le sont-ils plus dans leurs exigences que dans leur conduite, et un gouvernement, fût-il un gouvernement de parti, ne l’est jamais autant qu’eux. Les réalités pèsent sur lui, et rarement il parvient à secouer le joug de la raison. C’est déjà trop lorsqu’il penche vers un extrême et qu’il tend de plus en plus à une politique absolue. C’est ce qui est arrivé trop fréquemment au gouvernement de la restauration, jusqu’au moment où il s’est décidé à tomber du côté où il penchait.

Exposons avec plus de détails la difficulté ou, pour mieux dire, la contradiction dont la restauration avait à triompher.

Rien n’est commode pour l’esprit comme un principe absolu. Il dispense de regarder aux objections et aux obstacles, ce qui serait fort doux, si les objections et les obstacles ne se faisaient tôt ou tard sentir dans la pratique à qui les néglige dans la théorie. Ainsi toute monarchie repose sur cette convention au moins tacite ou sur cet usage reconnu de regarder comme ayant droit à régner une famille particulière désignée d’ordinaire par les événemens. Ce droit fondé sur la politique, sur l’intérêt général, sur le consentement universel, le temps peut lui donner une telle consécration que l’on cesse d’en rechercher l’origine et d’en discuter la nature ; mais le respect et la tradition, après l’avoir consacré, le divinisent. D’une vérité durable on fait une vérité éternelle. C’est ainsi que le droit divin a remplacé sous une forme moins grossière et plus décente l’apothéose des rois et des césars de l’antiquité. L’Écriture avait reproduit, sous une expression un peu vive de saint Paul, cette simple idée, que les pouvoirs, comme tout le reste, existent par la volonté de la Providence, et d’ailleurs toute idée de droit a philosophiquement une céleste origine. En abusant de ces deux pensées, on a prétendu faire une religion de la royauté ; mais une religion doit être universelle, et la royauté ne l’est pas. De plus, elle est exposée à des variations et à des interruptions qui ne sauraient atteindre la vérité religieuse. On a beau cacher sous un nuage l’origine de la royauté, un nuage n’est pas le ciel, et après avoir mis la soumission au roi légitime sur la même ligne que le culte envers Dieu même, on n’en est pas moins, une fois ou l’autre, obligé d’accueillir, de louer, de récompenser ceux qui ont le plus audacieusement violé ce devoir, et nié par leur conduite même que ce fût un devoir immuable. Ainsi les royalistes qui avaient soutenu hors de France que tout ce qui se faisait en France sans eux était nul de soi ont bientôt été forcés, sans rien rétracter de cette prétention, à reconnaître pour valable tout ce qu’ils avaient déclaré nul. La monnaie frappée par de soi-disant usurpateurs n’était pas plus pour eux que pour nous de fausse monnaie. Les actes de gouvernement, lois, décrets, jugemens, les biens acquis, les