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une monarchie. Il était naturel que la seule famille royale que la France connût fût rappelée ; tout effort d’inventer une dynastie aurait été artificiel et vain. Il n’y avait plus pour la France que les Bourbons : ils devenaient nécessaires.

Mais ces raisons toutes pratiques ne suffisent pas généralement à l’orgueil non plus qu’à l’imagination des hommes. D’ailleurs, dans une vieille société comme la France, où tout avait été mis en mouvement à la fois par l’effet d’événemens incomparables, des principes bien divers, des sentimens bien multipliés, devaient se retrouver et se ranimer pour ainsi dire à l’appel d’une révolution soudaine. Et ce qui tombait et ce qui se relevait représentaient bien d’autres idées que la simple et rude nécessité de pourvoir à la vacance de l’autorité et de ne pas laisser le gouvernement en déshérence.

Les Bourbons avaient eu les droits les plus antiques et les plus assurés à la couronne de France. Ils croyaient assez naturellement les avoir encore, car, par une respectable fiction, les hommes s’efforcent de prêter à ces droits de convention, souvent nécessaires à la sûreté de l’état, cette immutabilité qui n’appartient qu’au droit absolu. C’est ainsi qu’ils supposent volontiers que leurs lois sont saintes et leur justice infaillible comme la loi divine et la justice éternelle, dont elles ne sont que l’ombre. Qu’une société est heureuse, lorsque son sort lui permet de les respecter à jamais, ces fictions salutaires, sans dommage ni pour sa dignité ni pour son salut ! Dans l’espoir de les rétablir avec un mot, on appela le droit royal légitimité ; c’est alors que ce nom contracta d’une manière plus marquée et plus durable la signification spéciale qu’il conserve encore.

Avec la dynastie et son privilége, la révolution française avait détruit bien d’autres choses, et ces destructions sont toujours douloureuses. Le cœur de ceux qu’elles avaient atteints saignait encore de pertes cruelles, et la société, pour qui ces pertes s’étaient changées en véritables biens, avait elle-même acheté ces biens chèrement. Les souvenirs et les ressentimens rapprochaient tout ce qui avait souffert des mêmes coups, et une association d’idées naturelle réunissait dans une même cause tous les principes et tous les intérêts attaqués depuis 1789. Une logique apparente semblait donc lier à la maison de Bourbon l’ancien régime. Il n’était rien moins que contradictoire que la restauration de l’une fût celle de l’autre, et puisque cette double restauration refaisait ce que la révolution avait défait, comment ne pas la concevoir sous le titre et les traits de la contre-révolution ?

Ce n’était pas là pourtant ce qu’avaient voulu les vainqueurs de Napoléon. Les rois eux-mêmes, quelques jaloux qu’ils fussent de leur droit de régner, n’entendaient point, en consentant au rappel de la dynastie du passé, frapper d’illégitimité ces autres gouvernemens