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de se replier vers Cawnpore, attendant lui-même quelques forces nouvelles. La petite garnison de Lucienow était fort menacée, sans secours et sans vivres ; elle était cernée de toutes parts et déjà minée dans la citadelle par l’ennemi, qui occupait la ville, lorsque l’intrépide Havelock a paru avec le général Outram, et la garnison de Lucknow a été secourue. Il faut remarquer que ces succès ont été obtenus avec des forces peu nombreuses, dispersées sur tous les points, et obligées de se concentrer précipitamment pour faire face au péril. Les forces nouvelles expédiées par l’Angleterre n’étaient point encore arrivées. Quant au reste de l’Inde, il y a certes beaucoup de trouble et de confusion, des luttes, des combats, des complots, sans compter les vengeances et des châtimens terribles. L’Inde n’est point évidemment aujourd’hui, même après les victoires de Delhi et de Lucknow, une terre livrée aux douceurs de la paix et de la civilisation ; seulement il est un fait désormais sensible : c’est que l’insurrection perd de jour en jour de son caractère sérieux et menaçant, et que l’ascendant de l’Angleterre se rétablit jusqu’ici par la simple énergie d’un petit nombre d’hommes épars dans un immense empire. Le dénoûment ne semble donc plus incertain, s’il l’a jamais été, et c’est la question politique encore plus que la question militaire qui se trouvera déférée au parlement dans la prochaine session. Jusqu’à ce moment, la nécessité de la défense a seule parlé ; dans les chambres, c’est toute la politique anglaise dans l’Inde qui sera examinée et débattue, et de ces discussions jailliront peut-être des lumières nouvelles. Lord Palmerston cependant n’a point voulu attendre la réunion du parlement, et il vient de prononcer un discours au banquet du lord-maire, à Guildhall. Lord Palmerston n’a été que juste à coup sûr en rendant un éclatant hommage à la valeur anglaise qui s’est récemment déployée dans l’Inde ; il a eu aussi grande raison de montrer ce qu’il y a de ressources dans ce peuple britannique, quand il s’agit de soutenir par les armes un intérêt supérieur. Qu’est-ce à dire pourtant ? Lord Palmerston ne traite-t-il pas avec un peu de mauvaise humeur ces pauvres peuples qui aiment les fourreaux d’acier et les talons éperonnés ? Les îles britanniques sont-elles donc menacées d’une prochaine invasion pour que le premier ministre montre l’Angleterre sous les armes et prête encore à se lever comme un seul homme, même après s’être dégarnie de son armée envoyée dans l’Inde ? Après tout, lord Palmerston n’a peut-être voulu que faire un discours pour flatter l’opinion populaire et s’appuyer sur elle avant l’ouverture du parlement.

La vie publique est une grande arène où passent tous les peuples et où toutes les expériences s’accomplissent à la fois. La Belgique n’est qu’un petit royaume ; mais ce petit royaume a le mérite d’offrir, dans les conditions de la plus large liberté, comme un résumé de toutes les questions et de toutes les passions qui s’agitent dans la plupart des pays. Ces passions ont leurs périls sans doute. Heureusement les états constitutionnels ont le privilège de pouvoir se sauver des révolutions par des changemens de ministère, et c’est ce qui vient d’arriver à Bruxelles. Le cabinet qui dirigeait les affaires depuis deux ans s’est retiré, et il est remplacé par un ministère libéral qui compte dans son sein MM. Charles Rogier, Frère-Orban, Tesch, de Vrière ; le général Berten est ministre de la guerre, et le ministre des travaux publics n’est point encore nommé. C’est la loi de la charité qui a été la cause première