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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 novembre 1857.

Le secret n’est donc pas absolument la meilleure des conditions en politique, puisqu’il peut arriver que les temps et les pays où l’on parle le moins soient justement ceux où l’on suppose le plus, puisque là même où un certain mystère semble inhérent au maniement des grandes affaires, c’est-à-dire dans la diplomatie, l’esprit d’hypothèse substitue ses inventions aux faits. Depuis quelque temps, il est vrai, les événemens ont manqué : ils n’ont pas manqué à tous les points de vue, si l’on veut, puisqu’en ce moment même l’Angleterre n’est point encore délivrée de l’insurrection des Indes, tandis que, d’un autre côté, une crise commerciale et financière, s’étendant de proche en proche, paralyse l’essor universel des intérêts ; mais dans l’ordre des rapports généraux de l’Europe, une certaine stagnation s’est faite entre les incidens diplomatiques provoqués il y a trois mois par les élections des principautés et la réunion de la conférence où devra s’agiter cette inévitable question de l’organisation des provinces du Danube. Qu’est-il arrivé alors ? Plus que jamais on s’est mis à conjecturer, à spéculer sur la politique des diverses puissances et sur les reviremens ministériels, plus énigmatiques que sérieux, qui se succèdent à Constantinople. On a voulu scruter les intentions des gouvernemens, pressentir leurs résolutions futures, et voilà quelques jours que les diplomates officieux font mouvoir les cabinets au gré de leur fantaisie. La Russie et la Prusse notamment, après s’être associées à la France pour garantir la liberté des élections dans les principautés, la Russie et la Prusse, dit-on, auraient tout à coup changé d’attitude, se ralliant à la sagesse supérieure de l’Autriche et laissant la France seule soutenir jusqu’au bout la cause désespérée de l’union. L’évolution serait complète et diplomatiquement constatée. — Rien de semblable cependant n’a eu lieu jusqu’ici. La Russie et la Prusse pensent aujourd’hui ce qu’elles pensaient hier. Si, en concourant, il y a trois mois, à garantir la sincérité des élections sur le Danube, elles ont tenu à conserver l’indépendance de leur jugement sur l’union même de la Moldo-Valachie, rien n’indique que cette réserve se soit changée