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qui ont servi de base à notre récit. Nous croyons n’avoir omis de relater aucun fait essentiel : nous voudrions pouvoir dire que nous les avons tous discutés avec impartialité, et cela était assurément dans notre intention ; mais nous ne nous dissimulons pas que nous avons écrit sous l’impression de nos souvenirs, qui nous rappelaient la vive anxiété du pays à cette époque et la réprobation unanime dont on frappait autour de nous la cause des ouvriers et leur conduite.

Comme on fait, après les batailles, le recensement de ses morts et de ses blessés, il ne nous reste plus qu’à énumérer brièvement les pertes essuyées dans celle de Preston par les vainqueurs et par les vaincus. On a estimé que, du côté des manufacturiers, ces pertes s’élevaient en argent à 165,000 livres sterling, dont 115,000 provenant de la détérioration des machines, de l’intérêt du capital resté improductif, des paiemens de gages de domestiques et entretien d’animaux non employés, — et 50,000 de l’absence des profits que l’exercice de leur industrie aurait rapportés aux fabricans. Ces évaluations ne sont qu’approximatives. Du côté des ouvriers, on procède avec plus de certitude. Les contributions de leurs camarades des autres villes se sont élevées à 97,000 livres, et leur propre perte, en salaires qu’ils ont cessé de recevoir, a été de 250,000. On comprend de combien de maux ce triste conflit a dû être la source. « Les résultats de la terrible catastrophe que nous venons de traverser, lisait-on le 6 mai dans un journal de Preston, dépassent les plus sinistres prévisions. Nos rues, sont encombrées de malheureux qui demandent vainement du travail ; leur place est prise par des ouvriers étrangers, ou de nouvelles machines suppléent au défaut des bras. D’ici à longtemps ils sont condamnés à rester sans occupation. Des milliers de familles ont enduré les plus sévères privations ; elles ont contracté des dettes qu’une génération ne parviendra pas à éteindre, et quelque déplorable que soit l’état présent de notre ville, nous sommes convaincus que nous n’en sommes pas encore aux dernières conséquences de ce mouvement insensé. »

On a vu plus haut que sept des délégués avaient été arrêtés. Les manufacturiers consentirent à retirer leur plainte, et, conformément à la loi anglaise, il n’y avait plus lieu à suivre contre les inculpés, que l’on déchargea de leurs cautions. Il est regrettable d’avoir à dire que quelques-uns d’entre les meneurs ainsi relâchés se montrèrent peu reconnaissans de ce bon procédé, car dès la semaine suivante ils tentèrent de soulever une nouvelle grève à Warrington ; mais la leçon infligée aux ouvriers de Preston avait été trop sévère, elle était trop récente pour que ceux d’une ville voisine fussent disposés à passer par la même épreuve.


HITIER.