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réelle. Nous ne savons pas si ce dernier reproche a quelque fondement, nous n’en avons trouvé la preuve nulle part ; nous sommes loin cependant de le contester, tant la querelle avait pris de vivacité dans les derniers temps, et tant des deux côtés on s’y sentait porté aux excès. Quant à l’union des manufacturiers de tout le district, le comité des délégués, qui était parvenu à réunir le concours de la population ouvrière de toute l’Angleterre, ne devait ni s’étonner, ni trouver illégitime que le besoin de se soutenir mutuellement à leur tour eût amené les manufacturiers à faire alliance avec leurs confrères, et lorsque ce comité mettait tout en œuvre pour empêcher les ouvriers de Preston de rentrer dans leurs ateliers, il réduisait du même coup les fabricans à la nécessité de recourir à d’autres bras. Toutefois ces détails, quelle qu’en soit l’importance, de quelque façon qu’on les interprète, ne sont qu’accessoires. Le premier paragraphe de l’adresse aux ouvriers formule la question dans toute sa netteté et dans toute sa simplicité : on y lit que trente-deux des manufacturiers de Preston avaient accédé avant la grève à la demande qui leur avait été faite d’une augmentation de salaire, mais que quatre s’étaient refusés à suivre ce digne exemple. Ainsi c’eût été pour amener à composition quatre seulement des manufacturiers d’une ville industrielle aussi considérable que l’est Preston que l’on aurait suscité et soutenu, pendant trente-sept semaines, la triste lutte qui l’a désolée. On s’étonne que les hommes sur qui en pèse la responsabilité aient laissé échapper un pareil aveu. S’il était sincère, il serait leur plus éclatante condamnation ; mais évidemment ils avaient d’autres desseins, et ils s’en taisent parce qu’ils seraient plus reprochables encore.

Par le fait même de cette adresse, la grève était finie à Preston. Quelques jours après, on essaya bien de la ranimer ; on voulut la transporter à Stockport. Ces tentatives demeurèrent sans résultat. Le 30 avril, le travail avait recommencé dans toutes les manufactures de l’Angleterre, et les ouvriers mettaient autant d’empressement à s’y faire admettre qu’ils avaient fait voir d’obstination, peu de semaines auparavant, à n’y pas rentrer.


Nous avons assisté pour ainsi dire en personne au débat que nous venons de raconter, car nous étions alors tout près des lieux où il s’agitait : notre devoir nous commandait d’en suivre attentivement le cours, et à cet effet nous avons recueilli, au fur et à mesure qu’ils paraissaient, les nombreux documens à l’aide desquels chaque parti plaidait sa cause devant l’opinion publique[1]. Ce sont ces documens

  1. Nous nous sommes surtout aidé d’un excellent opuscule publié sur le même sujet par M. Henry Ashworth, vice-président de la chambre de commerce de Manchester.