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nous vous informons qu’une combinaison de circonstances fâcheuses nous oblige à vous exposer notre situation présente dans la lutte que nous avons entreprise pour les ouvriers de Preston.

« L’heureuse issue de la grève de Stockport, qui fut immédiatement suivie de la concession d’une augmentation de salaire à Blackburn et dans d’autres villes, nous avait donné lieu de croire que les manufacturiers de Preston pouvaient nous faire la même concession. Trente-deux s’y étaient soumis, mais quatre ont refusé de suivre ce digne exemple. Après trente-sept semaines de combat, nous sommes forcés d’y mettre un terme temporaire.

« Nous avons été conduits à cette extrémité par l’union qu’ont faite entre eux tous les manufacturiers du pays, dont les agens salariés sont allés ramasser des ouvriers dans les trois royaumes pour affamer ceux de Preston. Ces mercenaires ont été assistés, dans leurs funestes desseins, par une presse puissante et sans scrupule, et par ces soi-disant gardiens des pauvres, qui ont vidé leurs maisons de refuge de tous ceux qui étaient capables de se traîner hors des portes.

« Pour faire réussir leur croisade impie, ils ont fait circuler à prix d’argent dans le pays de faux rapports sur ce qui se passait à Preston, mensonges qui ont eu pour effet de nous frustrer d’une partie des contributions de nos camarades. À ces attaques infâmes contre notre cause sont venues se joindre une guerre étrangère et une cherté sans exemple des subsistances, et nous avons ainsi rencontré des difficultés insurmontables à continuer la lutte. Nous engageons en conséquence les ouvriers à reprendre leur travail jusqu’à une occasion plus opportune. Le temps viendra où ils obtiendront le 10 pour 100, qui leur est en ce moment si injustement refusé. »

L’adresse se terminait par la demande des secours nécessaires aux ouvriers qui ne trouveraient pas immédiatement du travail, et dont le comité avait également besoin pour satisfaire aux engagemens qu’il avait contractés. Nous avons fidèlement reproduit ce document, parce qu’il nous a paru résumer parfaitement la question envisagée au point de vue des ouvriers, et si nous ne nous trompons, malgré les omissions qui en altèrent l’impartialité, il est l’acte d’accusation le plus grave que les auteurs du manifeste aient pu dresser contre eux-mêmes. L’insuccès de la ligue y est attribué à des circonstances malheureuses, la guerre et la cherté des subsistances. Nous sommes en cela d’accord avec les chefs de la ligue de Preston ; leur cause a péri en partie par ces circonstances. Il est probable que, ces circonstances ne se produisant pas, elle aurait réussi ; mais une telle réussite, qui, en tout cas, ne pouvait jamais être que momentanée, n’aurait pas établi la justice de leurs réclamations. Les agitateurs se plaignent de ce que les manufacturiers des autres villes aient fait cause commune avec ceux de Preston, que ceux-ci aient recruté des ouvriers étrangers, et que tous ensemble ils aient eu recours à des manœuvres déloyales pour discréditer la cause des ouvriers de Preston et dénaturer souvent leur situation