Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/413

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’aide seule les avait soutenus et empêchés de succomber ? Ces essais de conciliation cependant, si souvent tentés auprès des manufacturiers par des hommes honorables qui assurément ne voulaient ni leur ruine, ni celle de l’industrie ; ces appels faits de toutes parts à leur humanité et à leur commisération pour les souffrances de leurs ouvriers, par le clergé, par la presse même qui défendait leur cause ; tout ce mouvement en un mot de l’opinion publique compatissante autorise à penser que, quels que fussent les torts des ouvriers, et de quelques excès qu’ils les eussent aggravés, les maîtres n’étaient pas sans en avoir à se reprocher à eux-mêmes. On peut croire qu’au début de la querelle il aurait dépendu d’eux d’amortir un peu l’irritation des esprits, si ce n’est en se montrant plus traitables sur les principes, du moins en évitant dans leur attitude une roideur inopportune. Quoi qu’il en soit de cette supposition, que nous n’émettons ici qu’avec réserve, le temps des ménagemens était passé. Les choses avaient été poussées trop loin pour que l’un ou l’autre parti songeât à reculer. On a vu avec quelle ténacité les patrons défendaient leur droit de rester les seuls juges en leur cause. Les ouvriers de leur côté continuaient à invoquer, et avec des accens de plus en plus lamentables, les secours de leurs camarades. Ils refusaient obstinément de rentrer dans les manufactures tant qu’on n’aurait pas strictement accepté leurs conditions premières. « Assez longtemps, disaient-ils, on nous a traités comme des machines inanimées ; nous entendons qu’on nous traite dorénavant comme des hommes et comme des chrétiens. Nous avons, tout aussi bien que nos patrons, nos nécessités, nos espérances, nos craintes, nos devoirs et nos droits. Restons fidèles à notre devise : unis, nous résisterons ; divisés, nous tomberons. »

Les semaines cependant s’ajoutaient aux semaines. Depuis plus d’un mois, les manufacturiers de Preston ne continuaient leur résistance qu’au moyen des cotisations de leurs confrères des autres villes. Cette situation leur était dure, leur fierté en souffrait. Moins que les ouvriers, ils prenaient leur parti de vivre pour ainsi dire de l’aumône. Une fois encore ils firent savoir qu’ils étaient prêts à rouvrir leurs ateliers, toujours, il est vrai, au taux des salaires d’avant la grève ; mais ils condescendaient enfin à entrer en explications, et à prouver que, dans l’état actuel de leur industrie, ces salaires étaient tout ce qu’on pouvait exiger d’eux. Craignant en outre que quelques-uns de leurs ouvriers n’obéissent, comme précédemment, à la peur qu’ils avaient de leurs camarades, ils les assuraient que les mesures nécessaires étaient prises, de concert avec les magistrats, pour les garantir contre toute molestation. Ce nouvel appel ne fut pas mieux entendu que les autres. Convaincus alors qu’ils ne réussiraient pas à ramener leurs ouvriers, les manufacturiers durent chercher