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l’application n’en a pas été faite à leur profit autant qu’elle devait l’être ; mais parmi ces lois il en est une, celle sur les céréales, qui, du moins, n’a pas trompé leurs espérances. Les effets de cette loi bienfaisante sont de tous les jours, et si l’on y portait la main, ils sont prêts à la défendre au cri répété avec plus d’ardeur encore qu’en 1847 : No bread tax ! Malgré les ambages dont on cherchait à voiler une pensée qu’on n’osait pas produire ouvertement, l’instinct populaire la devinait donc, et il la repoussait de toutes ses forces.

Si l’on a mentionné ici cette tentative de retour à un temps qui ne peut plus revivre, c’est qu’elle a été un des incidens, quoique très éphémère, de la lutte que l’on raconte ; mais il y aurait injustice à imputer de tels sentimens à l’aristocratie entière. Les manifestations contre les lois nouvelles n’ont été l’œuvre que de certains de ses membres obstinés ou aventureux, des enfans perdus de son parti, si l’on peut parler ainsi. Plus d’un vieux lord sans aucun doute, tout en se tenant à l’écart de ce mouvement, en souhaitait le succès, et il y aurait applaudi : il aurait joui de ces représailles exercées contre des rivaux qu’il déteste, et dont il a peur ; mais aux uns l’entreprise a paru folle et impraticable, et les autres, en plus grand nombre, y répugnaient par esprit de probité, — c’est leur honneur, — et dans un intérêt bien entendu de propre conservation, — ç’a été leur sagesse. Si l’aristocratie anglaise avait été assez peu clairvoyante pour croire qu’elle pouvait recouvrer par le moyen des classes ouvrières ce qu’elle a perdu de son influence politique, dévolue aujourd’hui en partie à l’industrie et au commerce, si elle eût prêté son assistance aux insurgés de Preston dans leurs projets de domination sur leurs patrons, le moment n’aurait pas tardé à venir où elle aurait eu besoin de se défendre elle-même contre les tentatives de ces dangereux alliés.


III

Toutes les ressources mises en œuvre par les conducteurs du mouvement, et que l’on vient d’énumérer, ne formaient en quelque sorte que le levier moral de la machine d’agitation, à laquelle il fallait un support matériel. Ce n’était pas assez que de faire redire à la foule : « Dix pour cent et pas de capitulation ! » En attendant ces 10 pour 100 promis et toujours remis au lendemain, elle était privée de son salaire du temps passé, et il n’en fallait pas moins qu’elle se nourrît et qu’elle vécût. Des douze ou treize mille livres sterling qu’elle recevait autrefois par semaine, elle ne touchait plus un seul penny ; les épargnes avaient été promptement épuisées. Les vêtemens, les ustensiles de ménage les plus indispensables avaient été vendus ou