à tous ceux qui travaillent la jouissance de ce qu’ils produisent. Nous voulons, en un mot, l’application de la divine sentence qui dit que celui-là ne mange pas qui ne travaille pas. »
Dans une adresse aux ouvriers filateurs, on lisait encore : « Cette terre d’Angleterre est appelée la terre de justice et de liberté. Amis, cela n’est pas : l’oppression règne sur ce pays, ce prétendu pays d’indépendance, où le despote et le tyran, c’est-à-dire les possesseurs du capital, ont le droit d’impunité pour leurs extorsions de toute sorte sur le pauvre et le faible ; mais le temps du redressement est venu. » Dans une autre, « deux forces, disait-on, se sont dressées contre nous : l’aristocratie qui nous a volé la terre, et les capitalistes qui nous broient, ces capitalistes sortis du fumier. Nous ne tuerons pas nos tyrans, mais nous leur arracherons les dents et nous jouirons alors de l’Angleterre à notre guise et sans partage. »
Ces sauvages provocations ne furent pas entendues. Heureusement pour l’Angleterre, elles s’adressaient à des hommes chez qui domine le sentiment religieux ; elles ne sortaient d’ailleurs, il faut le répéter, que de la bouche d’un petit nombre et des moins considérés parmi ceux qui se disaient les défenseurs du peuple et les soutiens de ses droits ; elles émanaient la plupart du comité dirigeant de l’association des ouvriers fileurs, association qui, quoiqu’elle fît cause commune avec le reste des ouvriers de la ville et qu’elle déléguât quelques-uns de ses membres aux assemblées générales, s’était constituée sur des bases particulières, avait ses propres règlemens et ses propres chefs, dont la violence contrastait avec la modération habituelle que ceux des autres comités s’étudiaient à garder, et dépassait toujours les emportemens auxquels par momens ces derniers se laissaient aller aussi.
L’une des proclamations citées plus haut confondait dans une même malédiction la noblesse du royaume et les propriétaires des manufactures ; mais ce sentiment d’une haine indistinctement vouée à ces deux classes de la société n’était propre qu’à celui qui s’en faisait l’organe en termes aussi grossiers : la masse des ouvriers ne le partageait pas. Les chefs surtout, qui se dirigeaient d’après une politique plus habile, avaient le soin d’établir à chaque occasion une différence entre l’aristocratie et ce qu’ils nommaient la shoddyocratie, entre les possesseurs de la terre et les manufacturiers, les land-lords et les coton-lords ; ils comptaient ou feignaient de compter sur les sympathies et l’appui des premiers, et leurs efforts tendaient à raviver les fermens de discorde qui, à l’époque du rappel des lois sur les céréales, avaient éclaté entre ces représentans des deux grands intérêts du pays, et qui avaient laissé dans le cœur des vaincus de sourdes colères et d’âpres rancunes. Ils rappelaient