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« Levez le front, milliers de travailleurs ! Il y a une bande d’hommes au cœur de lion qui ont fait vœu de balayer l’oppression du sein de votre pays, devenu la proie des tyrans. Allez, ralliez-vous autour de l’étendard arboré pour conquérir la paix suprême, et ne quittez point le terrain que le cri de celui qu’on pressure n’ait cessé. »


À ces excitations puissantes se joignaient celles des meetings qui se tenaient plusieurs fois par semaine. Tout devenait occasion d’assemblées et de discours : l’arrivée d’un délégué d’une ville voisine, l’arrestation d’un ouvrier condamné par les magistrats pour avoir troublé la paix publique, une proclamation du comité des maîtres que l’on tenait à ne pas laisser sans réponse, etc. C’était dans ces réunions que le pouvoir des meneurs se fortifiait ; ils y recouraient quand il leur paraissait que les ouvriers se laissaient aller à la défaillance, et dans les momens d’effervescence ils en profitaient pour échauffer encore plus les têtes. Un placard affiché sur les murs annonçait alors qu’on se réunirait le lendemain, et bien avant l’heure indiquée on voyait de longues files de ce peuple qui ne savait que faire de son oisiveté forcée, et pour qui ces spectacles étaient un passe-temps favori, se diriger vers une immense salle qui de temps immémorial a été en grande faveur chez les Prestoniens. Elle s’appelle aujourd’hui Tempérance hall, du nom de la société qui a entrepris de faire renoncer à l’usage des liqueurs spiritueuses et qui y tient ses séances ; mais le peuple lui a conservé son vieux nom de Cockpit, en mémoire des combats de coqs qui s’y donnaient autrefois. Depuis, le mormonisme y avait prêché ses rêveries naissantes, Robert Owen son socialisme étrange, Cobbett y avait dénoncé le papier-monnaie, et Feargus O’Connor y avait expliqué les cinq points de son chartisme. Les doctrines commerciales que Covvel et ses associés y professèrent après eux n’allaient pas sans doute aussi directement à la subversion de la société, mais elles n’en avaient pas moins leur danger pour le pays. Des feuilles anglaises qui, sans se faire ouvertement les organes de la cause des ouvriers, y donnaient leur assentiment dans une certaine mesure, ont dit que ces meetings, par le bon ordre et la modération du langage qu’on y faisait entendre, auraient pu servir d’exemple à plus d’une réunion de ceux qui se nommaient l’élite du pays, à la chambre des communes elle-même. Il se peut que l’éloge ait été mérité souvent, car le caractère de la grève de Preston a essentiellement différé de celui des précédentes, dont la violence était l’arme ordinaire. En 1853, les chefs du mouvement furent plus habiles ou moins emportés. Évidemment leur premier soin avait été de ne point alarmer la société par le renouvellement des actes de barbarie qui l’avaient mise en émoi à une autre époque : autant qu’il leur était possible, ils se contenaient dans