Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/380

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour l’avenir, on ne formulait pas un tarif des prix d’ouvrages, tarif qui serait rendu obligatoire dans toutes les fabriques de la ville, et d’après lequel il y aurait salaire uniforme pour tout ouvrier employé au même genre de travail, selon le nombre de pièces qu’il aurait tissées ou la longueur de fil qu’il aurait filé pendant la semaine. Cela s’appelait equalization or standard list of prices. Un comité devait en outre (et ce n’était pas là le point le moins important de la délibération) exiger des fabricans un règlement d’ordre et d’intérieur qui limitât leur autorité sur leurs ouvriers, surtout en ce qui touche au renvoi de ceux-ci de la manufacture.

Avant de dire par quels efforts désespérés cette grande lutte contre le capital a été soutenue du côté des ouvriers, et quelles phases diverses elle a traversées, il convient d’examiner les prétentions qui en ont été le point de départ.

C’était, en premier lieu, une augmentation de 10 pour 100 sur tous les salaires. Or il est un principe universellement admis aujourd’hui par les économistes de toutes les écoles, si ce n’est par ceux dont les doctrines mèneraient vite au bouleversement de la société : c’est que le taux des salaires né peut pas être réglé a priori. Dans le même pays et pour chaque industrie en particulier, ce taux varie selon les lieux, selon les temps et les circonstances ; il ne dépend ni de la volonté de l’ouvrier qui loue son travail, ni de celle du capitaliste qui l’emploie. L’un ne peut pas plus l’abaisser que l’autre ne peut l’élever à son gré : la loi qui en est l’unique et suprême arbitre, c’est l’état du marché avec ses chances présentes de profits, ou de pertes, avec l’offre du travail qui y abonde ou qui s’en retire. Si la chose est vraie partout, elle l’est peut-être moins, et ceci à l’avantage de l’ouvrier, en Angleterre, centre d’un mouvement immense de commerce et d’affaires. Le capital y est trop abondant, et la concurrence entre ceux qui le possèdent y est trop vive. Aussi le capitaliste y est-il beaucoup plus à la merci du travailleur qu’il ne le tient sous sa dépendance. Les chefs de la ligue projetée à Preston le savaient : ils avaient abusé de cet avantage à Stockport, à Blackburn et en d’autres lieux ; mais cette fois l’enivrement du succès les emporta trop loin, et ils dépassèrent le but. Mieux que personne, eux qui étaient des ouvriers de manufactures, qui plus ou moins connaissaient quelque chose de l’économie de ces établissemens, ils auraient dû savoir que ces 10 pour 100 d’augmentation, indistinctement imposés à tous les manufacturiers, n’étaient pas acceptables : peut-être fallait-il demander plus à l’un et moins à l’autre, selon le besoin de travail que l’un ou l’autre avait en ce moment et la quotité des profits qu’il tirait de sa manufacture. Ce niveau, qu’on prétendait faire passer également sur