et déjà l’on pouvait prévoir que la guerre en sortirait. Sous le poids de cette double appréhension, l’industrie et le commerce se sentaient atteints d’une sorte de malaise : non seulement les commandes diminuaient, mais le fabricant et le manufacturier en étaient venus à décliner souvent celles qui leur étaient faites pour un avenir éloigné ; ils répugnaient à prendre des engagemens à longs termes, dans la crainte que les événemens ne les laissassent à leur charge. C’est alors que plusieurs retirèrent une partie des concessions précédemment faites à leurs ouvriers ; ils leur demandaient de se soumettre à cette situation nouvelle, de prendre leur part dans la mauvaise fortune, comme ils avaient réclamé et obtenu qu’on leur en fît une dans la bonne. Beaucoup d’entre les ouvriers, il faut le reconnaître, entendirent ce langage, et, se prêtant aux circonstances, consentirent au rétablissement de l’ancien taux du salaire ; mais d’autres au contraire (c’étaient surtout les ouvriers des manufactures de coton du district de Manchester) ne répondirent aux demandes des maîtres que par un redoublement d’exigences. Il y avait parmi eux des meneurs imbus des doctrines socialistes qui avaient, quelques années auparavant, si tristement agité la France. Le moment leur parut propice pour s’insurger contre le capital et le dominer à leur tour. Telle fut la redoutable influence sous laquelle s’organisa la grève de Preston, l’une des plus dangereuses et des plus longues par lesquelles l’Angleterre ait passé. Par le nombre des adhérens, l’habileté des chefs et les sympathies qu’elle excita parmi les classes ouvrières, cette grève fera époque dans les annales de l’industrie anglaise ; elle se recommande surtout à la sérieuse attention des gouvernemens de tous les pays à raison du caractère menaçant des prétentions des ouvriers et du renversement qu’ils essayèrent d’introduire dans leurs rapports avec les patrons. Pour les économistes aussi, nous l’avons dit, la grève de Preston doit être un sujet de sérieuses méditations. Jusqu’à présent, il était passé en principe qu’aucune grève ne pouvait aboutir au succès, et qu’après avoir enduré les misères auxquelles il se condamne en quittant son travail, l’ouvrier ne pouvait pas échapper, un peu plus tôt ou un peu plus tard, à la nécessité de rentrer dans les ateliers à des conditions presque toujours plus dures que par le passé. Cette fois encore l’événement a donné raison à la science ; mais combien il s’en est peu fallu que le contraire arrivât ! Les manufacturiers étaient beaucoup moins rassurés que les théoriciens ; plus d’une fois ils ont désespéré de leur cause, plus d’une fois ils ont délibéré s’il ne valait pas mieux passer immédiatement sous les fourches caudines que de s’épuiser en une résistance impossible. Les conseils des plus fermes l’ont emporté ; mais aujourd’hui encore, et malgré le succès, on se dit tout
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