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plus de grâce. Puis viennent des réceptions à la cour ; tous les figurans défilent en costumes de cérémonie et assistent à un intermède de danse. — Dans certaines pièces, le fantastique tient une grande place : voici, par exemple, un singe qui habite une sombre forêt où des dames du plus haut rang viennent lui rendre visite ; il veut enlever les belles curieuses, mais toujours sa proie lui échappe ; enfin après mille poursuites vaines il réussit à saisir une victime. Survient un prêtre pour délivrer la malheureuse, qui est sauvée ainsi que la morale. En général, les scènes se passent à la cour, ce qui fournit l’occasion d’un grand déploiement de costumes luxueux et brillans, de processions à pied et à cheval, de danses et de chants. Bouddha paraît également sur le théâtre, où l’on reproduit avec pompe les solennités religieuses. Souvent encore on assiste à des batailles, où le pugilat, les combats au sabre, les tours de force et d’adresse animent et varient le tableau. On passe ainsi, parfois dans la même pièce, d’une scène de drame à une scène d’opéra. Il en est de même dans les représentations du théâtre chinois. Sir John Bowring ne s’est point chargé d’expliquer le sens des pièces que la troupe ordinaire de sa majesté joua, par ordre, devant l’ambassade : c’eût été une trop rude tâche. Son attention était d’ailleurs détournée de la scène par les messages que le roi lui expédiait soit à propos d’une actrice ou d’un incident de la pièce, soit au sujet de l’exécution du traité : pure coquetterie de souverain voulant montrer à un envoyé d’Europe qu’un roi de Siam est toujours occupé d’affaires sérieuses, même au théâtre ! Mais, suivant l’impression de sir John, on se lasse vite des représentations siamoises ; chaque pièce ramène à peu près les mêmes récitatifs et les mêmes scènes ; il y a de la monotonie dans ce perpétuel éclat de costumes, dans ces interminables processions, et cela dure ainsi toute la nuit. Souvent même le théâtre demeure ouvert sans interruption pendant plusieurs jours : c’est un nouveau trait de ressemblance avec les spectacles chinois. Après une séance de trois heures, sir John osa demander grâce, et fut bien heureux que le roi lui permît gracieusement de se retirer.

Il faut renoncer à décrire toutes ces fêtes, un combat d’éléphans et un jeu de balles à cheval chez le second roi, un concert de musiciens du Laos et des danses siamoises chez un prince, un grand repas chez un autre dignitaire. Revenons au traité. Les signatures furent apposées par les plénipotentiaires le 18 avril, et le même jour le Rattler, après avoir salué de vingt et un coups de canon cet heureux événement, quitta Bangkok pour retourner à son premier mouillage devant Paknam, où l’ambassade devait le rejoindre sous peu de jours. Sir John Bowring n’attendait plus pour partir que l’audience de congé, pendant laquelle le roi devait lui remettre solen-