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une circonférence de près d’un mille, forme au milieu de Bangkok une véritable ville. Les cours, pavées de granit ou de marbre, sont entourées de beaux édifices qui servent de bureaux, de casernes, de magasins, etc. Les bâtimens consacrés à la demeure du roi et au harem se distinguent par une architecture plus élégante, mais ils sont éclipsés par les temples du bouddhisme. Mgr  Pallegoix cite une de ces pagodes dont le pavé est recouvert de nattes d’argent, et dans laquelle se trouvent deux statues de Bouddha, l’une en or massif, l’autre faite d’une seule émeraude qui serait évaluée à plus d’un million de francs. Sir John Bowring s’accorde avec le savant évêque pour exalter la magnificence intérieure et extérieure des pagodes qu’il a visitées à Bangkok. La plupart de ces temples sont construits dans des proportions gigantesques : l’un d’eux renferme une statue de Bouddha endormi, qui mesure plus de cinquante mètres de long. L’or est répandu à profusion ; chaque souverain se croyant obligé de marquer son règne par l’érection de splendides pagodes, toutes les richesses de Siam ont été enfouies dans ces monumens de la piété ou plutôt de la vanité royale.

Voici maintenant les écuries où vivent les éléphans. Ce fut un prince qui reçut du roi l’honorable mission d’introduire l’ambassade auprès de l’éléphant blanc. Ce noble animal est d’une couleur assez douteuse, plutôt rose que blanche ; il a les yeux d’un Albinos. Il occupe un vaste appartement, où il est servi par un grand nombre de domestiques qui veillent attentivement à son bien-être. Il est richement caparaçonné et couvert d’étoffes brochées d’or, qu’il s’avise parfois de déchirer avec sa trompe ; ces distractions attirent à sa seigneurie quelques coups de baguette qui la rappellent aux convenances. Pendant le jour, l’éléphant blanc demeure attaché à un poteau et reçoit ainsi les visites respectueuses des Siamois ; la nuit, on le laisse libre. Il mangea avidement des cannes à sucre que lui présenta le prince, et il déploya ses grâces et ses talens devant l’ambassade, qu’il daigna saluer à plusieurs reprises en relevant sa trompe au-dessus du cou ; c’est ainsi qu’on lui a appris à faire le salam. D’autres éléphans sont renfermés dans des écuries voisines, mais ils ne jouissent pas des mêmes honneurs ; ce ne sont que des animaux de ménagerie. Le roi fit distribuer aux principaux membres de l’ambassade anglaise des gravures représentant l’éléphant blanc, et il offrit à sir John Bowring quelques poils de la queue de ce rare quadrupède ; de plus, il eut soin de comprendre, parmi les cadeaux qu’il envoya à la reine d’Angleterre, une touffe de poils coupés sur la tête de l’éléphant. Un tel cadeau était aux yeux du roi de Siam l’une des plus grandes marques d’amitié qu’il pût donner à sa puissante alliée. Sir John Bowring