vacarme, auquel se mêlaient, sans que l’harmonie pût en être troublée, les cris de la foule, qui remplissait les cours et bravait, dans son empressement désordonné, les injonctions et les bambous de la police. Les chaises à porteurs s’arrêtèrent au seuil d’un édifice où la mission dut attendre les ordres du roi. On offrit du café et des cigares, et au bout de quelques instans les Anglais, sur une invitation apportée par un messager, se rendirent à pied à la salle d’audience, où ils trouvèrent les nobles et les hauts fonctionnaires réunis en grand nombre pour la solennité, tous à genoux et la tête inclinée dans l’attitude du plus profond respect.
Sir John alla immédiatement se placer devant un coussin qui lui avait été préparé à côté des premiers dignitaires. Le roi fit son entrée et s’assit sur un trône élevé. Il était couvert de vêtemens d’or ; il portait sur la tête un bonnet orné de gros diamans, et on voyait briller à ses doigts de magnifiques bagues : sa couronne était posée auprès de lui. Dès qu’il apparut, les Siamois se couchèrent presque à terre, collant leurs fronts au parquet ; les Anglais saluèrent et prirent place sur leurs coussins. La musique joua encore pendant quelque temps, puis sir John Bowring se leva et lut en anglais une harangue dans laquelle, après avoir remercié sa majesté de son excellent accueil, il exprima la confiance que le nouveau traité serait à la fois utile et honorable pour les deux pays. Ce discours fut immédiatement traduit en siamois et répété à voix haute par le frère du premier ministre. Le roi répondit assez longuement. Il reprit l’historique des diverses ambassades européennes qui s’étaient présentées à Siam. « Il y a peu d’années, dit-il, que nous connaissons la grandeur de la Grande-Bretagne et que nous pouvons apprécier la valeur de son alliance. » Il demanda avec intérêt si les négociations étaient complètement terminées, et voulut voir le texte du traité, en anglais et en siamois, pour juger par lui-même si la traduction était exacte et pour en conférer avec le second roi. « Siam, ajouta-t-il, est un bien pauvre pays, c’est une jungle ; il ne faut pas s’attendre à y trouver les élémens d’un grand commerce. » Les Orientaux ne s’expriment jamais autrement sur leur pays, et cette modestie apparente n’a d’autre objet que d’éloigner autant que possible les Européens, dont ils suspectent plus ou moins les intentions et redoutent les convoitises. « Votre jungle deviendra un jardin, répondit sir John Bowring. Ce sera l’œuvre du commerce. » Le roi fit connaître son intention d’écrire une lettre à la reine Victoria. La conversation, assez banale d’ailleurs, dura près d’une demi-heure. Quand le roi se fut éloigné, on tira un rideau devant son trône ; la musique joua de nouveau, et la noble assistance, fatiguée sans doute de l’attitude peu comfortable que lui avait trop longtemps imposée l’étiquette, se releva avec empressement pour entourer et complimenter les membres de