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vert, est émaillé de fleurs et de fruits, et peuplé d’une multitude d’oiseaux aux mille couleurs. Par intervalles, on aperçoit les hameaux abrités sous des bouquets de bambous, ou la pointe dorée d’une pagode qui resplendit à travers un rideau d’arbres. Aux approches de Bangkok, le tableau s’anime sur le fleuve et sur les rives. Une foule de bateaux sillonne les eaux du Meïnam ; les villages sont plus nombreux, les pagodes plus grandes ; on reconnaît à leurs vastes proportions les monastères où vivent les talapoins, que l’on distingue de loin à leur costume jaune et à leur démarche solitaire. On entre enfin dans la ville, dont le fleuve, bordé de maisons construites sur pilotis, forme la principale rue. Sur une étendue de plusieurs milles, le Meïnam est couvert de bateaux de toute sorte, habités par une population très active. C’est, comme à Canton, une seconde ville assise sur l’eau. Au milieu du fleuve sont mouillées les grosses jonques qui font le voyage de Chine, les trois-mâts qui appartiennent au roi de Siam et qui visitent d’ordinaire les ports de Java et de l’Inde, où leur pavillon rouge, au centre duquel se détache l’image sacrée de l’éléphant blanc, commence à être bien connu.

L’entrée de Bangkok présente ainsi l’aspect le plus pittoresque ; mais sir John Bowring ne pouvait, dès le premier jour, satisfaire sa curiosité de touriste. Le roi d’ailleurs ne lui en laissa point le loisir. À Paknam, l’ambassadeur recevait messages sur messages de son auguste ami. À peine installé à Bangkok, dans la maison qui lui avait été préparée par ordre du roi, il vit recommencer de plus belle cette correspondance infatigable. La grosse question du moment était le salut de vingt et un coups de canon que devait faire le Rattler, quand il arriverait à Bangkok. Le roi écrivit une lettre et envoya deux de ses favoris à sir John ; il craignait que le bruit du canon n’effrayât le peuple, et jugeait nécessaire de publier une proclamation pour rassurer à l’avance les habitans de sa capitale. À onze heures du soir, seconde lettre du roi, accompagnée du texte de la proclamation. Le lendemain matin, le peuple était averti, et quand, à une heure de l’après-midi, le Rattler jeta l’ancre, il lui fut permis de faire le salut, que lui rendit immédiatement, par un nombre égal de coups de canon, l’artillerie d’un fort voisin du mouillage.

Le roi était très impatient de recevoir sir John Bowring. Aussi, en attendant que les dispositions eussent été prises pour l’audience officielle, voulut-il avoir une entrevue avec l’ambassadeur, qu’il manda le 4 au soir dans son palais. Dans ce premier entretien, il manifesta le désir d’entrer en relations avec l’Angleterre et de favoriser le commerce avec l’étranger. Il expliqua par divers motifs plus ou moins plausibles les échecs éprouvés par les ambassadeurs qui avaient précédé sir John Bowring à Bangkok ; mais ce qui paraissait