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pas, au même degré que les prêtres catholiques, revêtus du caractère sacré. L’entretien des missions américaines doit être fort coûteux : l’impression et la distribution des Bibles entraînent des dépenses considérables. On sait que les sociétés religieuses de l’Angleterre et des États-Unis ont couvert de bibles le monde entier : sir John Bowring estime avec raison que ce mode de prédication, très facile assurément, est tout à fait stérile. Les Siamois, les Chinois, les Annamites, ramassent ces bibles, qu’on leur jette ainsi à profusion, et ils les rangent soigneusement dans leurs bibliothèques ; mais il n’est pas bien sûr qu’ils les lisent, et peut-être cet empressement qu’ils mettent à se saisir des exemplaires colportés par les ministres protestans, provient-il uniquement du sentiment de respect que ces peuples professent pour les livres en général. Il serait cruel de penser, comme le déclarait ingénument un missionnaire américain à sir John Bowring, que les Siamois aimeraient encore mieux recevoir des brochures de papier blanc que des bibles imprimées. Le résultat le plus clair de tant d’efforts, c’est d’entretenir à Bangkok une sorte d’académie européenne pour l’étude de la langue et de la littérature siamoise. On compte parmi ces infatigables traducteurs et distributeurs de la Bible des philologues distingués ; les prêtres catholiques ne se sont point laissé distancer sous ce rapport, témoins le dictionnaire et la grammaire de la langue thaï publiés par Mgr Pallegoix. La connaissance approfondie de l’idiome indigène facilitera singulièrement, dans un prochain avenir, les recherches de l’érudition européenne sur les vieilles annales de Siam, ainsi que les progrès de notre civilisation, de nos idées, de notre commerce. On doit donc, à ce point de vue, suivre avec intérêt les travaux des presses chrétiennes établies à Bangkok.

Les relations du royaume de Siam avec l’Europe remontent aux premiers temps où les Portugais devinrent si puissans dans l’Inde. Dès 1511, Albuquerque envoya une ambassade à Ayuthia, et les Portugais obtinrent l’autorisation d’y fonder une factorerie. En 1548, l’histoire nous montre un détachement de soldats portugais combattant vaillamment sous les drapeaux du roi de Siam pour défendre la capitale attaquée par une armée du Pégu. Pendant tout le XVIe siècle, le pavillon de Portugal fut le seul qui se montrât dans les eaux du fleuve Meïnam, et il y a laissé un tel prestige, que trois siècles plus tard, en 1822, le roi de Siam demandait à un envoyé anglais, M. Crawfurd, si le roi de la Grande-Bretagne était l’allié de la cour de Lisbonne, indiquant, par cette question inattendue, que la qualité d’allié du Portugal était à ses yeux la plus haute marque de grandeur et la plus précieuse recommandation. Dans les premières années du XVIIe siècle, les Hollandais et les Anglais parurent à Siam et commencèrent à ébranler la suprématie du Portugal. Leurs