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la dignité de mandarin constitue un véritable titre de noblesse. Chaque année, au mois de novembre, le souverain distribue lui-même la solde à tous les fonctionnaires de son royaume. La cérémonie ne dure pas moins de douze jours. Les princes et les ministres reçoivent environ 4,800 fr., les mandarins de dernier ordre de 200 à 400 fr., les employés subalternes de 60 à 120 fr. Il n’est pas besoin de dire que ces fonctionnaires, petits ou grands, savent grossir par leurs exactions le chiffre des émolumens dont les gratifie la main royale.

Mgr Pallegoix distingue dans la population cinq classes : les soldats, les gens de corvée, ceux qui paient un tribut, les cliens et les esclaves. On peut ajouter à cette classification les talapoins ou prêtres de Bouddha. Les gens de corvée doivent trois mois de service par an ; on les emploie aux travaux publics. Il leur est loisible de s’exempter de la corvée en payant une somme de 16 ticaux (48 francs), qui est destinée au trésor royal, mais que les mandarins arrêtent généralement au passage. Les tributaires fournissent chaque année, au lieu de la corvée, un tribut en nature dont la valeur varie de 8 à 16 ticaux (24 à 48 francs). Les cliens sont placés, ainsi que leurs familles, sous la dépendance directe des princes ou des mandarins, à l’égard desquels ils sont tenus à certains services personnels. Il y a des princes qui se trouvent ainsi les patrons ou les suzerains de plusieurs centaines de familles. Les esclaves forment, d’après Mgr Pallegoix, le tiers de la population ; sir John Bowring estime que la proportion est beaucoup plus considérable, si on ne l’établit que sur le chiffre de la population indigène, en laissant les Chinois en dehors du calcul.

L’esclavage tient une grande place dans la société siamoise ; c’est une institution qui a ses lois, ses traditions, ses usages particuliers. Le code de l’esclavage forme une législation complète dans laquelle sont prévus les plus minutieux détails. Il doit en être ainsi, puisque ce code s’applique à la majeure partie de la population. On peut remarquer d’ailleurs que nulle part les lois ne sont aussi nombreuses ni les règlemens aussi stricts que dans les états où règne l’absolutisme. Ce n’est point seulement l’intérêt de l’ordre public qui exige une définition très nette des devoirs imposés à chacun, il y a là surtout une garantie de conservation pour le despotisme, et une garantie si essentielle, que le législateur s’est toujours efforcé de confondre avec les préceptes de la religion les lois qui commandent l’obéissance envers le souverain et la déférence des classes inférieures à l’égard des classes aristocratiques. Toutes les royautés orientales reposent ainsi sur le respect. À Siam comme au Japon et en Chine, le respect est un dogme politique ; il se traduit à l’extérieur par les formules les plus hyperboliques de l’adulation et de la