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les États-Unis voulaient posséder des points de relâche pour leurs baleiniers, qui croisent en grand nombre dans les parages de l’Océan-Pacifique, et préparer des dépôts de charbon pour les steamers qui doivent un jour ou l’autre naviguer entre la Californie et la Chine. En ce moment même, une seconde expédition est dirigée par l’Angleterre contre le Céleste-Empire : il s’agit en apparence de venger une insulte faite au pavillon britannique ; au fond, c’est le commerce anglais à Canton qui est en jeu. Toutes ces entreprises, pacifiques ou militaires, procèdent de l’esprit mercantile, et c’est précisément ce qui en assure le succès, car l’intérêt des États-Unis et de la Grande-Bretagne y est engagé au moins autant que leur honneur.

Si, dans leur indolence traditionnelle ou par un sentiment instinctif de défiance, la plupart des souverains asiatiques repoussent les avances de l’étranger, ou ne consentent à les accueillir qu’avec une extrême réserve et sous la pression de la nécessité, il en est un au moins qui se montre sincèrement disposé à nouer des relations avec l’Europe : c’est le roi de Siam. Depuis trois ans, il a vu successivement paraître à sa cour des envoyés de l’Angleterre, des États-Unis et de la France ; il les a reçus avec un véritable empressement, et leur a concédé les facilités commerciales qu’ils réclamaient. De plus, il tient à honneur de pratiquer dans ses états la tolérance religieuse ; les missionnaires catholiques et protestans peuvent sans péril s’y livrer à leur œuvre de propagande, et ils jouissent de la faveur du souverain. Deux ouvrages récemment publiés fournissent sur ce pays d’intéressantes informations ; l’un est la Description du royaume Thaï ou Siam, par Mgr Pallegoix, qui a résidé de longues années à Bangkok ; l’autre est le récit de la mission anglaise à Siam en 1855, par sir John Bowring, plénipotentiaire de sa majesté britannique en Chine. Nous pouvons, à l’aide de ces deux publications, nous former une opinion à peu près exacte sur la situation présente de Siam. La narration de sir John Bowring nous introduit en outre à la cour de Bangkok, elle nous montre le roi et les hauts fonctionnaires dans leurs rapports avec les Européens. Aujourd’hui que tous les regards sont tournés vers l’extrême Orient, il n’est pas sans intérêt de tenter une excursion dans le royaume de Siam sur les traces de deux voyageurs intelligens, placés dans les conditions les plus favorables pour bien voir et pour reproduire exactement la physionomie de cette étrange contrée.


I.


Le royaume de Siam s’étend entre les 4e et 22e degrés de latitude nord et les 96e et 102e degrés de longitude est. Il a pour voisins