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arrachée de nouveau du flanc de la montagne, et touche au ciel. Plus haut il est dit que Constance a arraché cet obélisque de la roche par lui taillée ; cœsâ Thebis de rupe revellit. C’est un impudent mensonge, puisqu’on lit dans l’inscription hiéroglyphique le nom du pharaon Touthmosis, antérieur à Constance de vingt siècles ; mais l’adulation n’y regarde pas de si près. On se fiait au mystère des hiéroglyphes, et on ne s’attendait pas qu’un Champollion viendrait le percer.

Constance visita Rome. Ammien Marcellin, qui accompagnait l’empereur, peint vivement l’admiration que tous deux ressentirent, en présence du forum de Trajan, et comment Constance fut frappé d’un profond étonnement en promenant son esprit sur ce vaste ensemble de merveilles qu’on ne saurait décrire, et qu’il n’appartient plus au génie de l’homme de produire. Il est curieux de voir Ammien Marcellin, un soldat du IVe siècle, exprimer dans un latin assez barbare l’impression que lui faisaient le Panthéon, qu’il appelle une région voûtée, le temple de Vénus, le forum de la Paix, qui avait survécu au temple de la Paix, le théâtre de Pompée, le stade de Domitien. C’est, comme je crois l’avoir déjà remarqué, la première fois que s’exprime cette admiration pour l’effet monumental de Rome que l’on a depuis si souvent exprimée. Aucune exagération des touristes modernes sur le Colisée n’a surpassé celle d’Ammien Marcellin, disant que l’œil humain a peine à en atteindre le sommet ; mais c’est l’exagération d’un sentiment vrai, car lorsque l’on regarde d’en bas le haut mur de l’amphithéâtre, encore intact, on éprouve une étonnante sensation de grandeur. Ainsi se traduisaient déjà par l’emphase, il y a quatorze cents ans, les émotions que nous éprouvons encore aujourd’hui, malgré tant de progrès de la destruction depuis cette époque, en présence des antiquités romaines.

Rome, comme il arrive à toutes les villes, commençait à descendre des hauteurs qu’elle avait d’abord couvertes et à s’étendre à leur pied. Ammien Marcellin montre Constance parcourant les parties de la ville situées entre les sommets des sept collines, sur leurs pentes et dans la plaine. On peut croire que le Champ-de-Mars, dans lequel, à la fin de la république, nul n’avait le droit de bâtir, était habité au temps d’Ammien Marcellin. Il semble peindre déjà la situation de la Rome actuelle répandue sur le penchant des sept monts et occupant la plaine qui avait été le Champ-de-Mars.

Julien ne fit rien pour Rome ; je m’étonne que sa tentative insensée de rétablir le paganisme ne l’ait pas conduit à replacer le centre de l’empire dans la ville où la fidélité au paganisme était surtout vivante. Je me l’explique cependant. Il se plaisait à embellir les cités de la Grèce ; son inclination le portait plutôt de ce côté que