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sera pour les Orientaux l’empire de Roum. Au moyen âge, une partie de la Grèce s’appellera Romanie. Encore aujourd’hui Roumélie est le nom d’un pachalik de Turquie. Enfin le nom que les Grecs modernes donnent à leur langue, le romaïque, est un souvenir de cette prétention de l’ancien empire grec à être romain. Les hommes de Byzance ne pouvaient s’empêcher de conserver pour Rome un singulier respect, auquel se mêlaient parfois de bien étranges réminiscences de liberté. Sous Justin II, un certain Corippus appelait Rome la nourrice de l’empire et la mère de la liberté. Cependant, si Rome, après avoir cessé d’être le siége de l’empire, exerçait encore une sorte de prestige, elle avait perdu la réalité de la vie, et l’on reconnut avec raison un symbole de l’empire dans cet homme accablé de coups, avançant toujours, que Valens rencontra en marchant contre les Barbares. Rome en effet respirait encore, mais combien de coups l’avaient frappée !

Elle n’entendait parler de ses maîtres que lorsque le souvenir des empereurs d’Orient se reportait par hasard vers la capitale déshéritée. Ainsi l’un des fils de Constantin, Constance, fit à Rome l’aumône d’un obélisque destiné par son père à orner Constantinople. Du reste, l’aumône était magnifique : c’était le plus grand obélisque du monde, celui qui décore aujourd’hui la place de Saint-Jean de Latran. Érigé par un des Touthmosis, dont il porte le nom, à l’époque de la plus grande perfection de l’art égyptien, comme le prouve le style des hiéroglyphes, il ornait depuis environ deux mille ans une ville d’Égypte, quand Constantin l’y envoya chercher et le fit apporter par le Nil et la mer à Alexandrie, d’où Constance ordonna qu’il fût transporté à Rome. Il remonta le Tibre, et on le plaça dans le Grand-Cirque, où déjà s’élevait l’obélisque thébain contemporain de Sésostris, et qui orne la place du Peuple. Ceci montre quelle importance on attachait aux jeux du cirque sous les empereurs chrétiens. Nous en verrons d’autres preuves.

Sur le piédestal de cet obélisque de Constance, on lisait une inscription aussi pleine d’emphase que l’inscription par laquelle Auguste avait dédié le sien au soleil était simple. Après avoir soumis le monde entier à son empire, Constance a voulu, y était-il dit, que ses dons fussent égaux à son triomphe ; « mais le dieu, — ainsi est désigné un empereur chrétien, — était dans un grand souci : mouvoir cette masse, au Caucase pareille, semblait impossible. » Ce n’était pas cependant le premier obélisque apporté à Rome. « Le maître du monde, Constance, sachant que tout cède au courage, a ordonné que cette partie non petite d’une montagne avançât sur la terre et sur la mer, quoique l’on désespérât d’élever une telle masse dans les airs. Maintenant elle brille avec sa cime de métal doré, comme