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son droit, de remettre sous nos yeux divers épisodes de ces grandes scènes, on est fondé à lui demander pourquoi il n’en tire pas les leçons qu’ils renferment.

J’aurais voulu aussi que M. Bersezio, au lieu d’indiquer en deux mots l’affligeante conduite de tant de soldats piémontais qui désertèrent le poste d’honneur à Novare, eût remonté jusqu’aux causes de cette attitude, inexplicable quand on se rappelle la vaillante conduite du contingent sarde en Crimée. On aurait compris alors combien il était imprudent de recommencer la guerre avec une armée démoralisée par des échecs tout récens, composée en grande partie de conscrits qui connaissaient à peine le maniement du fusil, et de pères de famille qui ne quittaient leurs foyers qu’à leur corps défendant. On aurait vu aussi quelle faute avait commise le général en chef Chrzanowski de livrer une bataille désespérée à quelques heures de marche de ces chaumières quittées avec tant de regret, et où la fuite semblait offrir une retraite facile. Il y avait là matière à bien des récits qui, sous la plume d’un conteur habile, auraient pu présenter un vif intérêt. Enfin, s’il était bon de découvrir le côté faible du parti constitutionnel en Piémont, l’équité voulait qu’on ne ménageât pas davantage les deux oppositions. À droite, parmi ceux qui regrettent les douceurs et les priviléges du pouvoir absolu, et voudraient, sans l’avouer, bien entendu, y ramener insensiblement leur pays pour la plus grande gloire du trône, de l’autel et d’eux-mêmes ; à gauche, parmi ces hommes qui, en dix ans, n’ont pu se grouper en un faisceau redoutable, ni s’entendre sur un programme qui puisse être opposé à celui du ministère, ce qui ne les empêche pas de faire une opposition constante, sauf à voter pour quand ils ont parlé contre, — M. Bersezio aurait trouvé des originaux dignes d’être placés sous nos yeux. Tel qu’il nous apparaît dans son livre, il est, en vérité, trop pessimiste. J’admets bien qu’il veuille chasser les marchands du temple, épurer le parti constitutionnel, auquel il appartient par conviction et par sympathie ; mais qu’il y prenne garde : s’il s’attache à peindre exclusivement les pharisiens du libéralisme et s’il glisse légèrement sur les autres, comme il l’a fait jusqu’à ce jour, on tirera de son silence comme de ses paroles des conséquences fort éloignées de sa pensée, et qui ne seraient pas sans danger. Ce danger, je l’ai déjà signalé à propos de la comédie des Journaux de M. Vollo[1] ; je ne puis m’empêcher d’y revenir et de blâmer ouvertement cette tendance de la jeune école libérale, dont triomphent également les deux oppositions. Il n’en est pas du Piémont comme de l’Angleterre, où les institutions constitutionnelles

  1. Voyez la Revue du 15 novembre 1856.