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le remboursement en argent. Mais la législation hollandaise était-elle la même que la nôtre ? La loi hollandaise n’admettait-elle pas les deux étalons[1] ? Si elle les admettait, il y avait de la part de l’état, du moment qu’il voulait être honnête, un engagement, tacite au moins, de troquer les espèces faites de l’un des deux métaux contre une valeur nominalement égale en espèces de l’autre, lorsqu’il voudrait modifier son système monétaire en changeant la condition du premier. Il n’y a là rien encore qui soit applicable à la France.

Une autre différence digne d’être citée ici entre la législation monétaire des Hollandais et celle de la France, c’est que dans le royaume des Pays-Bas les pièces d’or de 5 et de 10 florins, qui sont celles que le gouvernement a retirées de la circulation en les remboursant en espèces d’argent florin pour florin, avaient été expressément émises par lui et par lui seul. Il s’était réservé le monopole de cette fabrication ; il était juste qu’il en supportât toutes les chances[2]. Le rôle du gouvernement français dans la fabrication des monnaies est tout autre, comme on l’a vu.

C’est bien ici le lieu de rappeler que le cas a été prévu dans quelques-uns des documens qui ont servi à préparer la loi du 7 germinal an XI, particulièrement dans le premier rapport de Gaudin aux consuls. Or sur le parti à prendre, sur la solution à donner au problème qui nous occupe en ce moment, celui de savoir qui doit supporter les frais de la refonte, Gaudin n’hésite pas ; il dit en toutes lettres : « La dépense sera à la charge des particuliers. » C’est un passage de son rapport que j’ai cité deux fois déjà dans la seconde partie de cette étude. Rien n’est venu infirmer les paroles de Gaudin dans le cours de la longue préparation qu’a reçue le projet de loi, et c’est là, si je ne me trompe, un argument de quelque poids.

  1. La rédaction de la loi des Pays-Bas du 28 septembre 1816 ne tranche pas nettement la question du double ou du simple étalon ; la question n’y est pas posée, mais elle est implicitement résolue dans le sens de l’affirmative par l’ensemble des dispositions de la loi. Si l’on n’avait voulu avoir qu’un étalon, ce qui était une innovation par rapport aux anciens usages qu’on faisait revivre, l’exposé des motifs l’eût fait connaître, et il n’en est rien dit absolument, ni dans ce document, ni dans les considérans placés en tête de la loi. Au surplus, le législateur néerlandais lui-même a toujours pensé que le pays était sous le régime du double étalon. Le texte de plusieurs lois en fait foi. On peut voir par exemple le considérant de la loi du 26 novembre 1847.
  2. L’article 11 de la loi fondamentale des monnaies du royaume des Pays-Bas du 28 septembre 1816 est ainsi conçu : « Les monnaies à l’usage du commerce ne seront fabriquées que pour le comte des particuliers. Les pèces de 1 florin et de 3 florins pourront aussi être fabriquées pour le compte des particuliers ; mais les pièces d’or de 10 florins, les pièces sous-multiples du florin et les pièces de cuivre ne pourront absolument point être fabriquées pour le compte des particuliers, et ne pourront absolument point être fabriquées pour le compte des particuliers et ne pourront l’être que pour le compte et par l’ordre du gouvernement. » Postérieurement, on a décidé la fabrication des pièces d’or de 5 florins, soumises exactement au même régime que celles de 10.