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unanimité d’opinions s’était manifestée en faveur des idées générales que la loi de l’an XI a définitivement consacrées. Il était donc difficile d’être plus averti que ne l’a été le public en cette affaire.

À l’opinion d’après laquelle l’état n’aurait à indemniser personne en changeant la monnaie d’or, on oppose deux précédens tirés de la pratique de deux gouvernemens distingués pour leurs lumières, leur bon esprit et leur connaissance des affaires. La Belgique et la Hollande ont modifié leur législation au sujet de la monnaie d’or, et, dans cette opération, la diminution de valeur que les pièces d’or ont pu avoir à subir, par suite de la baisse du métal, a été à la charge de l’état. En Belgique et en Hollande, l’état, en retirant aux pièces d’or le cours légal pour le montant qui leur était attribué jusque-là, en a offert aux détenteurs la valeur nominale en argent. On demande si ce n’est pas une raison pour que l’état fasse de même en France.

L’exemple de la Belgique, qui avait, je le crois, une législation monétaire analogue à celle de la France, ne peut cependant être d’un grand poids. La question s’y présentait sous les proportions les plus exiguës, et n’était point faite pour inquiéter le ministre des finances. Il n’avait point été frappé de pièces d’or jusqu’en 1847. Une loi alors autorisa la fabrication de pièces d’or nationales de 25 francs et de 10 francs ; mais l’émission en fut expressément limitée par la loi à 20 millions de francs, et elle n’atteignit que 14,646,025 francs. La monnaie d’or n’était donc encore qu’à l’état d’essai en Belgique lorsqu’on se décida à lui ôter le cours légal, de manière qu’elle ne circulât plus qu’au gré du commerce. Au moment où cette détermination fut prise par le législateur (28 septembre 1850), la dépréciation de l’or par rapport à l’argent n’était pas sensible. En s’engageant à restituer la valeur nominale des pièces d’or en pièces d’argent, l’état ne s’exposait à aucune chance sérieuse de sacrifice, et le fait est que cette restitution n’a rien coûté. Le gouvernement, qui la proposait dans ces termes, y trouvait l’avantage d’écarter d’avance tous les scrupules que les discussions sur des matières pareilles soulèvent dans un parlement. Je ne prétends donc pas que la Belgique ait eu tort ; mais il ne semble pas que ce qu’elle a fait soit un précédent qui lie en rien la France.

En Hollande, la question du remboursement en argent présentait bien plus de difficultés, car il y avait été frappé une bien plus grande masse de monnaie d’or. Les pièces de 5 et de 10 florins formaient un total de 172,583,995 florins ou 370 millions de francs[1]. En proportion de la population, c’est comme 5 milliards pour la France. Cependant le gouvernement hollandais n’a pas hésité à s’imposer

  1. Il est curieux qu’il s’en soit présenté moins du tiers au remboursement, exactement 49,790,970 florins