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l’intérêt de la société en masse. Cette obligation est surtout étroite dans le cas, qui est imminent aujourd’hui, où la variation de l’or a lieu en baisse, car, dans le cas opposé, il n’y a pas de lésion possible. Il ne pourrait y avoir de lésé que le débiteur qui s’acquitterait en or ; mais il est clair que les débiteurs, en pareil cas, s’acquitteraient en argent, rien qu’en argent. Quel est le paiement commercial de quelque importance qu’on a fait en pièces d’or dans les vingt années qui ont précédé la découverte des mines de la Californie et de l’Australie ?

Or, si le législateur a le droit et le devoir de refondre les monnaies d’or, afin que, dans la pièce de 20 francs, il y ait désormais une plus forte quantité de métal, il a tout aussi bien le droit de faire une opération au fond identique, c’est-à-dire de statuer que la pièce actuelle dite de 20 francs n’en vaudra plus que 19 1/2, ou 19, ou 18, si telle est la valeur qui résulte du cours comparé des deux métaux.

Au fond, dans tous les systèmes de refonte, comme dans le cas où l’on adopterait provisoirement la disposition consistant à laisser circuler les pièces d’or actuelles en leur attribuant une valeur moindre que celle qui est inscrite sur leur revers, la seule question embarrassante est de savoir qui devra supporter la perte représentant la diminution de valeur du métal. Pour chaque pièce en particulier, dans l’état actuel des choses, cette perte serait très limitée ; mais eu égard à la quantité énorme du monnayage qui a eu lieu, elle s’élèverait en bloc à une grosse somme. Quelle que fût la dépense à laquelle il dût ainsi être soumis, ce ne serait pas une raison pour l’état de l’esquiver en faussant le sens naturel de la loi, si vraiment en équité c’était à lui de la supporter. Cependant, sur ce point, je crois que toute personne qui voudra prendre la peine de se livrer à un examen attentif pensera que la diminution de valeur ne doit pas être à la charge de l’état, et qu’elle retomberait légitimement sur les particuliers détenteurs des pièces. Quels sont en effet les motifs en vertu desquels on voudrait imposer à l’état ce sacrifice ? Les personnes qui soutiennent cette opinion représentent que l’état, ayant émis ces pièces en leur attribuant la valeur de 20 francs, s’en est fait le répondant, et qu’il est tenu de les reprendre sur ce pied, s’il veut qu’elles cessent de circuler avec cette valeur. Cet argument n’a qu’un défaut, c’est de manquer de base, car le fait sur lequel il repose n’existe pas. Ce n’est point l’état qui a émis les pièces de monnaie d’or, non plus que les pièces d’argent : ce sont des particuliers qui ont fait l’émission. En France, le rôle de l’état à l’égard de la fabrication des monnaies se réduit à une simple surveillance. Il constate dans des formes solennelles, et la solennité ici est bien à sa place, que les pièces de