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— Je comprends parfaitement ; mais il ne sera jamais dit qu’un jeune homme tel que vous n’ait pas trouvé d’argent dans cette ville.

— Puisque je n’en cherche pas…

— Mais vous en cherchiez tout à l’heure en venant chez moi ; et si vous me quittiez sans en avoir trouvé, ce serait une honte pour moi. Les trois mille piastres sont à votre disposition tout comme si vous me les aviez prêtées et que vous me les réclamiez aujourd’hui.

— Vous êtes mille fois trop bon.

— Si vous n’acceptez pas, c’est que vous ne croyez ni à ma bonté ni au désir que j’éprouve de vous être utile.

— J’y crois, Michel, j’y crois.

— En ce cas, prouvez-le-moi. Voici trois billets de mille piastres chacun. Ils sont de bon aloi, je vous en réponds.

La conversation se prolongea ensuite pendant quelque temps jusqu’au moment où Benjamin se leva pour prendre congé de son hôte. Celui-ci, qui pendant l’entretien avait écrit quelques mots sur un chiffon de papier, le présenta à Benjamin en lui disant : — Vous ne refuserez pas, âme de ma vie, de signer ce papier, qui a rapport aux trois mille piastres ; votre parole vaut pour moi tous les papiers du monde, mais un malheur peut arriver, puis enfin c’est l’usage, et je ne m’écarte jamais des usages reçus.

— C’est très juste, balbutia Benjamin, fort embarrassé ; mais ne dois-je pas tenir compte au seigneur Athanase…

— Ne vous inquiétez pas d’Athanase, je m’en charge ; vous avez reçu les trois mille piastres de moi, n’est-ce pas ?

— Sans doute.

— Eh bien ! c’est tout ce que je vous demande de reconnaître par écrit.

— Si c’est là tout ce que contient ce billet, je puis signer en effet. Michel, qui comprit à ces mots que Benjamin n’était pas très versé dans la science des lettres, continua en redoublant d’assurance : — Rien que cela, et les formalités d’usage.

— Le billet porte-t-il que vous m’avez payé ces trois mille piastres pour le compte d’Athanase ?

— Je ne puis dire cela, puisque ce serait me déclarer le débiteur d’Athanase, ce qui est au moins douteux pour moi ; mais qu’est-ce que cela vous fait ? Vous n’avez reçu que trois mille piastres, vous les avez reçues de ma main. La question de savoir à qui vous les rendrez est une question entre Athanase et moi ; ce qui peut vous arriver de pire, c’est de garder les trois mille piastres jusqu’à ce qu’Athanase et moi nous soyons tombés d’accord sur l’affaire qui nous concerne.

— Vous avez raison, et je vois bien que je ne puis vous refuser