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et le double louis, ne portaient point non plus d’inscription qui dît qu’ils étaient de 24 et de 48 livres. La loi leur attribuait cette valeur par rapport aux pièces d’argent, qui étaient des livres ou des multiples de la livre ; mais la loi pouvait être modifiée à cet égard, sans que l’empreinte des monnaies d’or fût en contradiction avec le nouveau cours qu’on leur aurait donné.

Cette inscription des mots quarante francs, vingt francs ou dix francs sur les pièces d’or, et toute inscription semblable qui serait usitée dans un autre état où d’ailleurs la loi aurait posé en principe que l’étalon est en argent, ne me paraît pas une objection qui doive empêcher le législateur d’attribuer aux pièces d’or existantes une valeur successivement moindre et conforme à chaque instant au rapport entre la valeur de l’or et celle de l’argent. Quel est le sens des mots dix francs, vingt francs ou quarante francs sur nos pièces d’or ? Signifient-ils que ces pièces seront nécessairement et à perpétuité prises pour la somme de 10 ou de 20 ou de 40 francs ? Assurément non, car cette interprétation serait contraire à l’esprit et à la lettre de la loi. Ce serait dire en effet que l’or est l’étalon aussi bien que l’argent : la qualité d’étalon implique l’immutabilité de valeur ; elle ne se révèle que par cette immutabilité, et l’immutabilité à son tour implique la qualité d’étalon. Les mots inscrits sur les pièces d’or frappées à partir du 7 germinal an XI n’ont qu’un sens limité et provisoire : ils expriment un fait matériel, à savoir qu’au moment où les pièces ont été monnayées, le rapport entre les deux métaux, l’or et l’argent, est tel que le poids d’or contenu dans les pièces dites de 10, 20 ou 40 francs est l’équivalent de 10, 20 et 40 francs, c’est-à-dire de 10, 20 et 40 fois 5 grammes d’argent au titre de neuf dixièmes de fin, ou que s’il y a une différence, elle est assez faible pour qu’on puisse, dans les petites transactions, se dispenser d’en tenir compte. Je dis les petites transactions, car, sous le régime de la loi du 7 germinal an XI, l’or a cessé de figurer dans les opérations un peu considérables, dès qu’il a gagné une prime appréciable. On portait son or chez le changeur, afin de s’approprier la prime, et l’on ne faisait les paiemens qu’en argent, tout le monde le sait bien.

Il résulte de l’esprit et de la lettre de la législation française sur les monnaies que, lorsque la variation de valeur serait devenue assez sensible pour que l’équivalence fût nettement rompue entre ces poids respectifs d’or et d’argent, l’inscription frappée sur les pièces d’or n’aurait plus de sens ni de portée. Le gouvernement a non-seulement le droit, mais l’obligation alors d’opérer la refonte, afin de garantir des intérêts envers lesquels le législateur a contracté un engagement solennel en l’an XI, intérêts parfaitement respectables, et d’abord