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— J’ai souvent mal à la tête ; j’éprouve des battemens de cœur qui me coupent la respiration.

— Ces battemens de cœur, en quels momens vous prennent-ils ?

— Que sais-je, effendi ?… Ils me prennent à chaque instant quand je suis à la maison… Et tenez, je n’en suis pas exempt même à présent que je vous parle.

— Ces battemens vous prennent-ils surtout en présence de votre fiancée ?

— Oui, quand sa mère est avec elle.

— Ah ! Et quand sa mère est seule avec vous, votre cœur bat-il aussi fort qu’en ce moment ?

— Oh ! bien plus fort, noble effendi ! En ce moment, je puis parler ; mais quand je suis seul avec elle, les mots s’arrêtent dans mon gosier, et d’ailleurs je ne sais plus que dire, tant ces crises troublent mes idées.

— Et vous dites qu’elle est vieille ?

— Oui, noble effendi ; je crois qu’elle l’était déjà lorsqu’elle vint demeurer avec nous ; je n’ai jamais entendu parler d’elle comme d’une jeune femme, et je la suppose à peu près du même âge que ma mère. En tout cas, elle est certainement assez vieille pour être sorcière.

— Et vous l’avez toujours détestée ?

— Non pas ; lorsque j’étais enfant, j’avais l’habitude de l’appeler ma mère à moi, parce que je la préférais à ma propre mère ; j’étais toujours auprès d’elle, et je n’étais jamais content lorsqu’elle était absente.

— Ah ! ah ! dit Athanase en réprimant un sourire, je commence à y voir clair. Oui, mon jeune ami, vous êtes plus malade que vous ne pensez, et c’est bien votre belle-mère qui est la cause de votre maladie. Pauvre garçon ! elle vous a ensorcelé ! Décrivez-moi un peu sa figure. A-t-elle des cheveux blancs ?

— Elle ! noble effendi, des cheveux blancs ! Pas plus blancs que les plumes de ce grand corbeau qui est là perché sur cet arbre dans votre cour. Sarah a les plus beaux cheveux noirs que j’aie jamais vus.

— Elle a des rides autour des yeux, sur le front, sur les joues ?

— Des rides ! Ah ! noble seigneur ! on voit bien que vous ne la connaissez pas. Elle a la peau la plus unie…

— C’est bon ; je comprends. Ses dents sont-elles noires ?…

— Ce sont des perles, effendi, de vraies perles.

— Quel âge a sa fille ?

— Onze ou douze ans.

— Et quand votre belle-mère épousa Osman, votre frère, savez-vous quel âge elle avait ?